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Reçu hier — 29 avril 2025POLITIQUE

Le capitalisme américain avance en vous prenant un tribut douanier ou militaire

29 avril 2025 à 20:38

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Appel à dons pour les frais de justice des activistes contre les jets privés

14 septembre 2023 à 16:19

Le 23 septembre 2022, une trentaine d'activistes d'Attac et d'Extinction Rebellion investissaient le terminal 1 du Bourget pour dénoncer la responsabilité des ultra-riches dans la crise climatique, en les empêchant de prendre leurs jets privés pour le week-end.

Le 31 août 2023, le procès de 12 de ces activistes a eu lieu au tribunal de Bobigny.

Nous faisons appel à votre solidarité pour financer les frais juridiques, soutenir les activistes et aider à poursuivre la mobilisation pour l'interdiction des jets privés. Merci !

Affaire Geneviève Legay : mobilisons-nous le 13 octobre !

19 septembre 2023 à 15:37

Vendredi 13 octobre aura lieu le procès du commissaire Rabah Souchi, qui avait ordonné la charge policière ayant gravement blessé Geneviève Legay, alors porte-parole d'Attac 06, le 23 mars 2019 à Nice, lors d'une manifestation de Gilets Jaunes.

Grâce au travail des avocat·es de Geneviève et de la presse, mais aussi grâce à la mobilisation d'Attac et à votre solidarité, nous avons notamment obtenu le dépaysement de l'affaire à Lyon, la mutation-sanction du procureur de Nice, et, enfin, ce procès. Ce sera un procès historique, car c'est la première fois depuis 70 ans qu'un donneur d'ordre devra rendre des comptes devant la justice.

Rendez-vous à Lyon vendredi 13 octobre

Un événement militant est en cours d'organisation à Lyon vendredi 13 octobre, avec pour mot d'ordre "Justice pour Geneviève Legay ! Justice pour toutes les victimes de violences policières !". Cette mobilisation vise à :

  • Montrer pourquoi l'affaire Geneviève Legay est un scandale d'État (mensonges au plus haut sommet de l'État, obstacles à la manifestation de la vérité, street medics empêché·es d'intervenir, commissaire décoré par sa hiérarchie au lieu d'être sanctionné...) ;
  • Faire le procès des violences policières, pour toutes les victimes n'ayant pas accès à un procès, en donnant largement la parole à des victimes et familles de victimes, notamment des quartiers populaires ;
  • Expliquer nos revendications pour en finir avec les violences policières et ainsi poursuivre la mobilisation du 23 septembre prochain.
  • Permettre de suivre le procès, avec des témoignages de personnes présentes au tribunal.

Retrouvez ici toutes les informations sur les enjeux du procès

Tract

Voici le tract disponible à diffuser par mail, sur les réseaux sociaux, ou à imprimer.

Si vous souhaitez imprimer le tract en noir et blanc, cliquez-ici

Appel à dons

Nous faisons appel à votre solidarité pour financer les frais juridiques et organiser cet événement militant : https://france.attac.org/6688

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D'un plan anti-fraude à l'autre, le débat se poursuit

19 septembre 2023 à 16:42

En réaction aux différents travaux sur les fraudes aux finances publiques et au plan « Attal » présenté au printemps dernier, c'est au tour des 4 groupes parlementaires qui forment la Nupes de livrer au débat un certain nombre de mesures à prendre. Pour Attac, qui avait livré avec l'Union syndicale Solidaires un rapport sur les fraudes fiscales, sociales et aux prestations sociales le 30 mars 2022, dans une période marquée tout à la fois par un ressentiment profond vis-à-vis des injustices fiscales et l'absolue nécessité d'éviter l'austérité pour financer les besoins sociaux et écologiques, ce rapport mérite d'être salué.

Si le rapport porte sur les fraudes fiscales douanières et sociales, il rappelle judicieusement les enjeux financiers (voir aussi l'article de l'Observatoire de la justice fiscale d'Attac du 2 juin) :

  • la fraude fiscale représente 80 à 100 milliards d'euros,
  • la fraude aux recettes sociales représente 8 à 11,2 milliards d'euros,
  • la fraude aux prestations sociales représente 1 à 4 milliards d'euros.

Sans revenir ici sur les constats que dresse le rapport et que l'on ne peut que partager (importance de l'évitement de l'impôt et conséquences, tant budgétaires qu'en matière de dégradation du consentement à l'impôt), il est intéressant de voir que le rapport livre de nombreuses mesures touchant aux diverses formes de fraude, que l'association partage, voire porte de longue date.

En matière d'évaluation des fraudes, il est important de se doter d'un outil de mesure, qui pourrait également analyser l'évolution de la structure de la fraude. Un tel travail, mené en permanence de manière objective, permettrait de mieux connaître ce fléau et, ainsi, d'adapter les mesures à prendre pour l'endiguer. Ce travail pourrait être complété par un renforcement de l'expertise fiscale, qu'Attac appelle de ses vœux.

Une revue des niches fiscales et sociales est également une mesure d'urgence, pour tout à la fois dégager des recettes, rétablir davantage de justice fiscale et éviter une fraude aux niches (due notamment au non-respect des conditions qui assortissent ces dispositifs).

Adapter la législation aux phénomènes d'optimisation agressive (l'imputation des revenus d'une holding à son propriétaire réel, l'instauration d'un impôt universel sur les multinationales, qu'Attac qualifie de « taxation unitaire »), est également une nécessité évidente. Cela permettrait de neutraliser les fuites de bases imposables par la manipulation des prix de transfert.

Une véritable « liste des paradis fiscaux », sur la base de critères objectifs, assortie d'un renversement de la charge de la preuve (toute transaction avec une filiale établie dans ces pays serait présumée relever de la fraude), pourrait être un outil dissuasif.

L'amélioration de la transparence, avec la création d'un cadastre financier, est impératif pour mieux lutter contre la fraude. On pourrait y ajouter un véritable registre des bénéficiaires effectifs pour en finir avec les sociétés écran et un élargissement des entreprises assujetties à la déclaration des prix de transfert.

Le renforcement des moyens humains des services engagés dans la lutte contre les fraudes (en 2022, Attac avait estimé entre 3.000 et 4.000 le nombre d'emplois supprimés dans les services de contrôle fiscal) est vital. L'intelligence artificielle, dont les résultats sont décevants actuellement, pourrait certes mieux traiter un grand nombre de données à l'avenir, mais celles-ci doivent être exploitées par des « humains ». C'est une condition de l'efficacité de l'action publique. Ceci suppose que les emplois publics soient véritablement attractifs tant sur le plan pécuniaire et des conditions de travail que du sens donné au travail.

La sanction de la fraude est un élément essentiel, sur le plan dissuasif et budgétaire. Pour qu'elle soit efficace, il faut en particulier veiller à ce que le contrôle soit mené par les services de contrôle compétent, que les sanctions financières soient appliquées et qu'elles soient pour les cas graves complétées par des sanctions pénales.

Lorsqu'il avait présenté son maigrelet plan anti-fraude, Gabriel Attal s'était voulu volontariste :« la fraude des puissants est impardonnable », « s'attaquer à la zone grise », etc. Attac lui avait répondu « chiche ». Le projet de loi de finances pour 2024 sera bientôt connu. C'est le moment, ce rapport peut y contribuer.

[QUIZ] Super profiteurs, testez vos connaissances !

20 septembre 2023 à 15:42

Super profits, super dividendes, et super mauvaise foi de la part des gouvernants et des multinationales du CAC40. C'est le sujet de notre dernier ouvrage « Super profiteurs ». Testez vos connaissances avec ce quiz, certaines réponses risquent d'encore vous étonner !

Quiz spécial Super Profiteurs

-Qui a dit "Les superprofits, je ne sais pas ce que c'est" ?





-Quel montant de profits les groupes français du CAC40 ont-ils annoncé au premier trimestre 2023 ?





-Combien de milliards d'euros ont été versés aux actionnaires au second trimestre 2023 ?





-Quelle a été l'augmentation des dividendes versés entre 2000 et 2020 ?





-Quelle est la cause principale de l'inflation actuelle ?





-Quel est le pourcentage des filiales de LVMH implantées dans les paradis fiscaux ?





-Combien de temps faut-il à un·e employé·e de Téléperformance, entreprise du CAC40, pour toucher autant que son PDG en un jour ?





-Quelle a été l'augmentation du PDG de TotalEnergies, Patrick Pouyanné, en 2023 ?





-La Caisse des dépôts et consignations (CDC) est un établissement public financier de référence.
Pour le gouvernement, elle doit...





-À combien s'élevaient les aides (subventions et niches fiscales) aux entreprises en 2019 ?





-Combien pourrait rapporter, par an, un impôt sur les 0,5 % personnes les plus riches de chaque État membre de l'Union européenne ?






Pour tout comprendre aux techniques des super profiteurs, mieux évaluer les conséquences sur notre économie et connaître nos revendications pour une justice fiscale, lisez notre dernier livre !

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Dans Super profiteurs, Attac et l'Observatoire des multinationales démontent les travers économiques, sociaux et écologiques des groupes du CAC40. Avec, à la clé, des pistes pour en finir avec l'impunité des multinationales françaises.

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L'évasion fiscale, sport favori des multinationales françaises

25 septembre 2023 à 19:00

Attac et l'Observatoire des multinationales ont publié fin mai Super Profiteurs, un livre pour démonter les travers économiques, sociaux et écologiques des groupes du CAC40. Avec, à la clé, des pistes pour en finir avec l'impunité des multinationales françaises.

Nous publions ici un extrait de ce livre qui déconstruit le mythe selon lequel les contributions fiscales des "champions" du CAC 40 seraient une manne pour les budgets publics. Super Profiteurs est disponible à la commande sur le site d'Attac.

Le discours est bien rôdé : les grands groupes français dégagent certes des profits considérables, mais ils contribuent au bien commun en payant impôts et cotisations. Comme toutes les entreprises établies en France, ils sont assujettis à différents prélèvements : impôts sur les sociétés, impôts locaux (la cotisation foncière des entreprises), sociaux (la contribution sociale des entreprises) et cotisations sociales. Donc la collectivité s'y retrouve au final. Fermez le ban.

En réalité, l'affaire est bien plus complexe. Deux raisons principales à cela : d'abord, les grands groupes bénéficient des nombreux cadeaux fiscaux octroyés par les gouvernements français successifs depuis des décennies et « optimisent » leur fiscalité. Les multinationales françaises ont été les grandes gagnantes des politiques fiscales accommodantes de ces dernières décennies, étant en mesure de profiter des différentes niches fiscales et des possibilités de déductions pour diminuer leur impôt. Cela alimente une dynamique d'injustice fiscale : en France, les grandes entreprises ont un taux d'imposition inférieur à celui des PME. Qui plus est, ce taux est calculé sur ce qui est déclaré en France, hors profits logés artificiellement dans d'autres territoires.

Par ailleurs, les grands groupes peuvent exploiter la dimension internationale de leur activité pour déclarer un minimum de revenus en France. Les paradis fiscaux d'Europe semblent avoir la préférence des entreprises du CAC40 : 76 % de leurs filiales, soit plus de 1100 entités, y sont implantées, principalement aux Pays-Bas (319 filiales), en Belgique (232) et au Luxembourg (167). Plusieurs groupes cotés à la bourse de Paris ont désormais leur siège dans tels territoires, comme ArcelorMittal (Luxembourg), STMicro (Suisse) ou Stellantis et Airbus (Pays-Bas).

Le cas de LVMH est tout aussi emblématique : 27% des filiales de LVMH se situent dans des paradis fiscaux, le plus fort taux du CAC 40 ! Le récent scandale « #OpenLux » a ainsi montré que le groupe de luxe détient 24 filiales au Luxembourg, la deuxième entreprise française la plus présente dans le pays après BNP Paribas. C'est aussi le cas des banques françaises : si BNP Paribas reste la banque française la plus implantée dans les paradis fiscaux, avec 198 filiales en 2017, Société Générale réussit tout de même l'exploit de déclarer en Irlande un profit supérieur à son chiffre d'affaires.

Les multinationales françaises sont ainsi loin de contribuer au bien commun à hauteur des bénéfices considérables qu'elles dégagent !

Ophélie Gath et Vincent Drezet

La capture des grands médias par les oligarques

27 septembre 2023 à 12:00

Attac et l'Observatoire des multinationales ont publié fin mai Super Profiteurs, un livre pour démonter les travers économiques, sociaux et écologiques des groupes du CAC40. Avec, à la clé, des pistes pour en finir avec l'impunité des multinationales françaises.

Nous publions ici un bref extrait qui revient sur l'influence et la mainmise des "champions" du CAC 40 sur le secteur des médias. Super Profiteurs est disponible à la commande sur le site d'Attac.

En France, c'est peu dire que les industriels ont investi le secteur des médias : en 2017, dix oligarques contrôlaient 90% des quotidiens nationaux vendus chaque jour selon les calculs du média en ligne Basta ! Les mêmes possèdent des télévisions et radios qui totalisaient respectivement 55% et 40% des parts d'audience. Depuis, la concentration s'est encore accrue.

Ce contrôle de la production et la diffusion de l'information n'est pas anodin : il constitue un instrument d'influence puissant dans les mains des grands groupes et de leurs propriétaires, pour pousser certains thèmes et certains messages ou au contraire en passer d'autres sous silence.

Le cas du groupe Bolloré en est une parfaite illustration. La multinationale, aux activités très diversifiées (logistique, énergie, automobile…) a confirmé son emprise sur le secteur des médias avec la prise de contrôle du groupe Lagardère : Europe 1, Paris Match et le JDD sont tombés dans son escarcelle, ainsi que le premier éditeur français (Hachette). Le groupe contrôlait déjà les multiples chaînes et activités de production du groupe Canal +, le gratuit Direct Matin, le site Dailymotion, l'éditeur Editis, l'institut de sondage CSA ou encore l'agence de communication Havas.

Son patron, Vincent Bolloré, est coutumier d'un interventionnisme forcené au sein des médias qu'il contrôle. L'objectif : garantir que leur ligne éditoriale soit alignée tant avec les intérêts de son groupe qu'avec ses propres convictions réactionnaires. A Canal + comme à Europe 1, l'oligarque breton a installé des fidèles aux postes à responsabilité avec pour mission de purger les rédactions. Devant les cadres de Canal +, il a même affirmé « qu'il était seul maître à bord de l'entreprise [1] », n'hésitant pas à bloquer des sujets d'enquête ou à censurer un documentaire trop critique envers un partenaire en affaire [2].

Le groupe Bolloré a par ailleurs régulièrement recours à des « poursuites baillons » contre des journalistes ou des ONG, dont l'objectif est de dissuader les médias de s'emparer de certaines affaires, comme celles concernant les activités africaines de son groupe [3].

Les pratiques du groupe Bolloré sont particulièrement contestées – au point que de nombreux auteurs de renom ont annoncé quitter les maisons d'édition dont il s'apprêtait à faire l'acquisition -, mais elles sont malheureusement loin d'être une exception dans le paysage médiatique français. En investissant dans le secteur des médias, les grands groupes s'offrent des leviers d'influence de l'opinion publique, par le contrôle direct ou indirect sur la ligne éditoriale des médias qu'ils possèdent, mais aussi sur le monde intellectuel, des affaires et de la politique. « On y regarde à deux fois avant d'attaquer le patron d'un journal. » notait le magazine Capital en 2014, à propos des « emplettes » du PDG d'Altice Patrick Drahi dans le secteur des médias.

Pour le groupe Bouygues, dont l'activité principale est le bâtiment et travaux publics, l'acquisition en 1987 du premier groupe de télévision en France, TF1, avait également permis d'acheter une influence précieuse. Voire stratégique, pour un groupe dont l'activité repose en grande partie sur des commandes publiques. Le groupe d'aéronautique et d'armement Dassault possède quant à lui Le Figaro, qui ne manque pas une occasion de chanter les louanges de l'avion de combat Rafale… construit par le groupe Dassault. On s'étonnera moins dans ces conditions que les grands médias ne cessent de vanter les louanges des « champions nationaux »

L'homme le plus riche de France, Bernard Arnault, est également le propriétaire du groupe Les Echos et du Parisien/Aujourd'hui en France par l'intermédiaire de son groupe de luxe LVMH. Non sans conséquence, puisque Les Echos a été accusé de censurer les critiques à l'égard de son propriétaire [4]. Le groupe LVMH est également à l'offensive sur d'autres terrains : il a déjà coupé les budgets de publicité alloués à Libération suite à sa Une mettant en cause Bernard Arnault. Coïncidence ? La plupart des médias s'abstiennent de relayer les révélations sur le faible taux d'imposition du milliardaire, relève Le Canard enchaîné [5].

Les dépenses publicitaires sont de fait une autre source importante d'influence, dans la mesure où la plupart des médias grand public sont dépendants de ces revenus pour leur survie. D'autres groupes n'hésitent pas à user de cette arme à titre de représailles contre des médias qui leur auraient déplu : ainsi, en 2021, TotalEnergies a arrêté d'acheter des espaces publicitaires dans Le Monde après la publication d'une enquête sur les pratiques du groupe pétrolier au Myanmar.

En matière d'influence, les « think tanks » jouent un rôle important, à l'interface entre la sphère médiatique et le monde de la recherche. Ce sont souvent eux qui alimentent les plateaux télévisés en « experts » censés expliquer les enjeux d'un débat politique et ses prononcer à leur sujet de manière objective. Dans les médias et à travers les événements qu'ils organisent, les think tanks contribuent à façonner et orienter les termes du débat démocratique, les questions posées, les chiffres sur lequel le débat s'appuie. Ils sont donc un moyen puissant d'influence pour les entreprises, d'autant plus efficace qu'elles restent cachées derrière une apparence de neutralité.

Or tous les grands think tanks français sont – quoiqu'à des degrés divers - liés au CAC40 (et à d'autres grandes entreprises françaises ou étrangères comme Microsoft) à la fois dans leur financement et dans leur gouvernance. C'est évidemment le cas de ceux qui affichent ouvertement leur orientation « pro-business » comme l'Institut Montaigne, mais aussi de think tanks en apparence plus impartiaux comme l'IDDRI ou l'Institut français des relations internationales, ainsi que ceux dédiés à l'Europe comme l'Institut Jacques Delors [6].

On pourrait aller encore plus loin. Le monde de la culture, de la science et de l'enseignement supérieur a été de plus en plus encouragé par l'Etat, ces dernières années, à se tourner vers le secteur privé pour trouver de l'argent. C'est une double aubaine pour les grands groupes : d'abord, leur « générosité » est en réalité remboursée à hauteur de 60% voire plus par le biais du crédit impôt mécénat ; ensuite, ils peuvent ainsi cultiver des relations très utiles dans des institutions prestigieuses qui leur permettent de soigner leur image auprès des professionnels et du public.

En matière de recherche et d'enseignement supérieur, c'est aussi un moyen d'influencer de manière subtile – sans que l'intégrité des chercheurs et professeurs soit en cause - et très en amont les débats, les priorités, les pistes explorées par les scientifiques. Ce n'est pas un hasard si TotalEnergies a multiplié les partenariats avec des laboratoires et des grandes écoles, notamment dans le domaine de la transition énergétique [7].

Le tableau ainsi dressé est édifiant : d'une part, un contrôle direct et indirect de la production d'information et du débat médiatique par une poignée de grands groupes ; de l'autre, de puissants relais d'influence au sein même de l'État, qui contribuent à mettre les institutions au service d'intérêts industriels au nom d'un prétendu « intérêt national ». Ainsi la domination des « champions français » a-t-elle un prix : celui de la capture de notre démocratie par les intérêts privés.

Frédéric Lemaire et Olivier Petitjean


[1] Propos rapportés dans Le Point : “Le discours saignant de Bolloré devant les cadres de Canal+”, 7 juillet 2015,
https://www.lepoint.fr/medias/le-discours-saignant-de-bollore-devant-les-cadres-de-canal-07-07-2015-1942993_260.php

[2] Acrimed, “Concentration des médias (2) : convergences et dépendances”, https://www.acrimed.org/Concentration-des-medias-2-convergences-et

[3] Agnès Rousseaux et Ivan du Roy, “Bolloré, la presse et les poursuites « homéopathiques » en diffamation”, Basta !, 6 décembre 2016, https://basta.media/Bollore-la-presse-et-les-poursuites-homeopathiques-en-diffamation

[4] Michel Broué, “Manque de style”, 26 juin 2017, https://blogs.mediapart.fr/michel-broue/blog/260617/manque-de-style

[5] Alizé Vincent, “Bernard Arnault imposé à 14% seulement… dans le silence médiatique”, Arrêt sur images, 21 février 2023, https://www.arretsurimages.net/articles/bernard-arnault-impose-a-14-seulement-dans-le-silence-mediatique

[6] Voir Lora Verheecke, “Les think tanks français et l'Europe : un partenariat public-privé loin des citoyens”, Observatoire des multinationales, 25 mai 2022, https://multinationales.org/fr/enquetes/une-presidence-sous-influence/les-thinktanks-francais-et-l-europe-un-partenariat-public-prive-loin-des

[7] Greenpeace, “Comment TotalEnergies influence la science”, janvier 2023.

Crise bancaire internationale : que faire ?

28 septembre 2023 à 12:00

Quinze ans après la crise financière de 2007-2008, le système bancaire international s'est à nouveau trouvé au bord du gouffre en 2023. Comment cela a-t-il été possible, quelles sont les conséquences de cette crise et comment en tirer les leçons ?

Ce texte est tiré du dernier numéro de notre trimestriel, Lignes d'Attac, disponible en adhérant ou en s'abonnant.

La crise bancaire a été déclenchée en mars 2023 à la suite de l'effondrement de la Silicon Valley Bank (SVB) aux États-Unis et s'est propagée en Europe avec la faillite de Crédit Suisse. Ces deux banques ont été victimes d'un mouvement de panique, provoquant un retrait d'argent massif et brutal de leurs clients.

Cela a amené les autorités monétaires à fermer SVB par crainte d'une contagion à l'ensemble du système bancaire. Et à mobiliser 160 milliards de dollars (150 milliards d'euros) pour répondre aux besoins d'autres banques et rassurer leurs déposants. De leur côté, les autorités helvétiques ont octroyé un prêt massif de 50 milliards de francs suisses. Cette politique ne semble pas totalement efficace, car la liste des banques états-uniennes en difficulté s'est allongée notamment avec la Signature Bank, la Silvergate Bank et la First Republic Bank.

L'aveuglement des marchés

Les premières explications avancées à la défaillance de ces banques étaient la mauvaise gestion des dirigeants et leur implication dans des activités à risque et/ou douteuses. Ainsi, SVB était spécialisée dans le financement des start-up de la Silicon Valley, tandis que Signature Bank et Silvergate étaient des actrices importantes des crypto-monnaies. De son côté, Crédit Suisse était plombé par son trafic dans le domaine de l'argent sale…

Pointer les problèmes spécifiques des banques ne suffit toutefois pas à expliquer ces défaillances bancaires en chaîne. Ces dernières révèlent en réalité la fragilité structurelle du système bancaire international, dominé par les marchés et la logique spéculative. Les acteurs supposés anticiper les difficultés financières, en particulier les agences de notation et les analystes financiers, n'ont pas vu venir cette nouvelle crise bancaire globale.

La responsabilité des autorités monétaires

Les banques centrales, responsables de la stabilité du système bancaire, ont joué le rôle de « pompiers – pyromanes » face à cette nouvelle crise . Pour éteindre l'incendie de la crise financière de 2007-2008, les banques centrales avaient mené une politique d'argent à bon marché, baissant les taux d'intérêt à des niveaux proches de 0 %. Les banques commerciales en ont profité pour développer leurs financements, en particulier dans l'immobilier et les secteurs à risque, et pour procéder à des achats massifs de titres sur les marchés financiers. Ce qui a conduit à une financiarisation dangereuse de l'activité bancaire.

Mais à partir de 2021, les banques centrales ont durci brutalement leur politique monétaire en vue d'endiguer l'inflation qui s'était accélérée à la suite de la crise sanitaire et des tensions géopolitiques. Ainsi, les taux directeurs de la Fed, la banque centrale des États-Unis, sont passés de 0 % à près de 4,75 % en un an. Ce fut un choix contestable pour deux raisons.

En premier lieu, cette politique est inefficace face à une inflation dont les causes ne sont pas monétaires mais structurelles : crise de l'énergie, guerre en Ukraine, augmentation des prix par les entreprises pour augmenter leurs marges dans un capitalisme prédateur.

Deuxième erreur : la hausse brutale des taux d'intérêt a été l'une des causes de la crise bancaire. L'un des canaux principaux de cette instabilité a été l'effondrement de la valeur des obligations (sur le marché où s'échangent les titres de dette) dont les banques s'étaient gavées pendant la période d'argent à bon marché : lorsque les taux augmentent, les nouveaux titres émis sont plus rémunérateurs que les anciens, dont le cours baisse mécaniquement à la revente sur les marchés.

C'est pour cette raison que, constatant la dépréciation brutale des titres détenus par la SVB, ses clients ont perdu confiance et se sont rués pour retirer leurs dépôts, précipitant la défaillance de leur banque. Ce qui a déclenché un mouvement de défiance généralisé dans le système bancaire états-unien.

Ainsi, les autorités monétaires sont responsables d'avoir sous-estimé l'influence de la politique monétaire sur la stabilité financière. De plus, on doit tenir les autorités états-uniennes responsables d'avoir allégé la réglementation bancaire, alors-même que celle-ci n'avait pas été suffisamment renforcée à la suite de la crise financière de 2007-2008. C'est ainsi qu'en 2018, sous l'administration Trump, il a été décidé de remonter (de 50 à 250 milliards de dollars) le seuil à partir duquel une banque est soumise à une surveillance renforcée. Or SVB, comme la plupart des banques états-uniennes défaillantes depuis mars 2023, se situait en-dessous de ce seuil de 250 milliards…

Le pouvoir des grandes banques s'accroît de crise en crise

Les grandes banques ont été les principales profiteuses de la politique de sauvetage des banques en difficulté par les autorités monétaires. Ces autorités ont en effet favorisé le rachat des banques en faillite par les grandes banques ; de même que Lehman Brothers avait été reprise par la Barclays en 2008, on a assisté en 2023 au rachat de la First Republic Bank par JP Morgan et de Crédit Suisse par UBS (Union des banques suisses).

Dans chaque cas, les repreneurs sont classés parmi les plus grosses banques à l'échelle mondiale et dans leurs pays respectifs. Par ailleurs, il s'agit de banques dites « systémiques », trop grosses pour faire faillite (too big to fail) qui présentent un danger potentiel considérable pour la stabilité du système bancaire. En effet, outre leur taille considérable, ces banques sont étroitement interconnectées, de telle sorte que la défaillance de l'une d'entre elles risque d'engendrer, par un effet de domino, une crise du système bancaire international.

Ainsi, les politiques de sauvetage des banques peuvent être analysées comme une véritable fuite en avant des autorités monétaires qui hypothèque l'avenir du système monétaire. Par leur faute, les autorités publiques subissent désormais le pouvoir des grandes banques : trop grosses pour faire faillite, ces dernières contraignent les autorités publiques à les financer avec l'argent du contribuable en cas de difficulté. Les États sont sous la coupe des marchés et des oligopoles bancaires. Ce qui pose un véritable problème de démocratie.

Tirer les leçons de la crise pour reprendre la main

Des réformes s'imposent à deux niveaux : reprendre le contrôle des banques, et réformer la politique des banques centrales.

Concernant les banques, il faut éviter qu'une faillite puisse entraîner une crise systémique qui oblige ensuite la puissance publique à payer les pots cassés. Cette crise doit être l'occasion de mener une véritable réforme bancaire visant à réduire le nombre d'acteurs systémiques, réforme qui n'a pas eu lieu après la crise financière de 2008. Une des mesures principales doit être la séparation des activités de banque de détail et de banque d'investissement.

Cette mesure, que le lobby bancaire a toujours combattue, a prouvé son efficacité dans le passé : les historiens de la finance ont montré que le Glass-Steagall Act (1933), mis en œuvre après la crise de 1929, a contribué à la stabilité du système bancaire états-unien dans les décennies qui ont suivi. La France avait également institué en 1945 une séparation des activités de dépôt, de crédit à moyen et long terme et d'investissement, qui a elle aussi été synonyme de stabilité lors de l'après-guerre.

Cette réforme est aujourd'hui particulièrement nécessaire en France où le système bancaire est contrôlé à 80 % par quatre grandes banques universelles systémiques (BNP Paribas, Crédit agricole, Société générale et BPCE). La séparation des activités d'affaires et de détail ouvrirait alors la voie à la socialisation d'une partie du secteur bancaire, afin de créer une alternative au secteur bancaire capitaliste et financiarisé actuel.

En effet, les plus grandes banques de détail nées de cette séparation pourraient être nationalisées et regroupées dans un pôle public bancaire. Ce pôle public bancaire serait doté d'une gestion associant l'État, les collectivités publiques, les usagers, ainsi que les salarié·es, et pourrait constituer la base d'un circuit du Trésor modernisé grâce auquel l'État ne serait plus soumis aux marchés financiers.

Réorienter les financements vers les secteurs d'avenir

La politique des banques centrales doit également être réformée. Voir les banques centrales apporter en urgence des milliards pour secourir sans aucune condition les banques commerciales en difficulté n'est pas acceptable. Il faut éviter que les banques commerciales bénéficient d'un soutien quasi-illimité des banques centrales, sans pour autant devoir modifier leurs pratiques, ni orienter le crédit prioritairement vers les secteurs de l'économie écologiquement et socialement utiles. La BCE devrait ainsi apporter son soutien en priorité, et à des taux d'intérêt préférentiels, aux banques qui remplissent un objectif de prêts en conformité avec des objectifs climatiques et environnementaux.

De plus, la politique monétaire doit être coordonnée avec les politiques budgétaire et fiscale, et s'inscrire dans le cadre de la planification écologique. Dans ce but, il est indispensable de mettre fin à l'indépendance des banques centrales et de renforcer les contrôles parlementaires sur leur action. Ces contrôles permettraient de superviser les opérations de sauvetage des secteurs bancaire et financier, et d'imposer des contreparties à ces sauvetages.

En conclusion, cette crise bancaire globale est révélatrice de la dépendance actuelle du modèle d'accumulation du capital à l'intervention de la puissance publique. Elle doit être l'occasion de réorienter l'intervention publique vers les objectifs sociaux et écologiques, et non de concourir à la survie d'un système économique néfaste et à bout de souffle.

Dominique Plihon


Crédit photo : Miquel Paquera (License Unsplash)

Ahmet Insel : « Le grand dilemme des forces démocratiques en Turquie, c'est leur coupure avec les classes populaires »

29 septembre 2023 à 12:00

Au lendemain des élections présidentielles en Turquie, Ahmet Insel, journaliste et politologue turc, répond à nos questions sur la situation politique de son pays et envisage les suites politiques avec la victoire d'Erdogan.

Ce texte est tiré du dernier numéro de notre trimestriel, Lignes d'Attac, disponible en adhérant ou en s'abonnant.

Les oppositions ne semblent pas avoir réussi à prendre la majorité au parlement et le candidat commun Kemal Kiliçdaroglu a finalement échoué au second tour. Qu'est-ce qui a manqué aux oppositions ?

D'abord, il faut souligner que le soutien de quasiment toutes les oppositions à un candidat à la présidence dès le premier tour est une première en Turquie ; et le résultat n'est pas si mauvais avec 45 % des voix. Le résultat plus inattendu est l'obtention de la majorité parlementaire par la coalition formée autour du parti d'Erdogan, l'AKP.

Une partie de l'électorat, pourtant mécontent du pouvoir d'Erdogan, semble s'être décidé à voter pour lui pour grosso modo trois raisons : préférence pour la poursuite avec Erdogan au lieu d'essayer un gouvernement hétéroclité composé de six partis ; inquiétude attisée par Erdogan et ses alliés sur le soutien apporté par le parti prokurde de gauche à Kiliçdaroglu ; mécontentement des conservateurs sunnites face à la perspective de l'élection d'un Alévi comme président.

Ce résultat intervient alors que la Turquie traverse une longue crise économique et sociale et que l'État turc a montré son incurie face au tremblement de terre en février, qu'est ce qui permet la résilience du régime erdoganiste ?

C'est le clientélisme. Rien n'empêche Erdogan de construire au plus vite, route, aéroport, immeuble d'habitation ou pont. Il passe outre les principes de l'État de droit et utilise tous les moyens de l'État pour sa propre propagande d'autant plus facilement que nous vivons dans un régime de parti-État. De plus, Erdogan présente toutes les dépenses publiques, au premier chef desquelles les prestations sociales, comme des largesses faites par lui-même et son parti, dont le nombre d'adhérent·es serait de onze millions.

Même s'il s'agit là d'un chiffre gonflé, on doit garder en mémoire que l'adhésion à l'AKP est un passage nécessaire pour pouvoir bénéficier du réseau clientéliste, et notamment des aides sociales. Dans les territoires détruits par les tremblements de terre du 6 février, les gens ont voté pour Erdogan parce qu'ils pensaient que lui seul serait capable de faire construire rapidement des logements. Il y a une symbiose entre la demande de patronage d'une partie importante de la population et la conception de gouvernement d'Erdogan qui veut « diriger le pays comme une société anonyme » ainsi que le souhaitent tous ceux et toutes celles qui adhèrent à l'idéologie néo-libérale.

L'AKP d'Erdogan a des alliés au parlement, en particulier les ultranationalistes du MHP et, désormais, les ultranconservateurs du YRP. Quelles peuvent être les conséquences de leur plus grand poids gagné au sein de la coalition au pouvoir ?

Depuis le référendum de 2017 instaurant un régime hyperprésidentiel, Erdogan a perdu la possibilité de gagner l'élection présidentielle et d'obtenir la majorité parlementaire sans l'apport de ses alliés d'extrême-droite, qui étaient auparavant parmi ses opposants les plus virulents. Le centre de gravité de l'espace politique en Turquie s'est déplacé vers l'extrême-droite. Erdogan, avec l'appui de ses alliés ultra-radicaux, islamistes ou nationalistes, mène une politique pour obtenir l'hégémonie culturelle de l'islamo-nationalisme.

Quelles pistes pour les forces démocratiques en Turquie après ce résultat en dessous des attentes ?

La victoire d'Erdogan risque de causer une grande démoralisation dans les rangs des forces démocratiques. Il y aura des interrogations et des recompositions, y compris dans le mouvement kurde. La Turquie est un pays trop centraliste ; il n'y a quasiment pas d'autonomie locale, ni de bribes de décentralisation. Probablement que les forces démocratiques et ceux qui défendent un certain mode de vie moderne avec notamment les libertés reconnues aux femmes vont essayer de créér désormais des espaces d'autonomie et de solidarité entre eux. Mais ceci va aussi accentuer la polarisation géographique et sociale.

Le grand dilemme des forces démocratiques en Turquie, c'est leur coupure avec les classes populaires, sauf pour le mouvement kurde. Il suffit de regarder la carte des résultats électoraux à Istanbul où l'opposition à Erdogan est massive dans les quartiers où sont concentrées les classes moyennes-supérieures, alors que les quartiers populaires ont majoritairement voté pour Erdogan. Ce phénomène est devenu le vrai talon d'Achille de la gauche en Turquie.

Propos recueillis par Emre Öngün

Lycée pro au rabot

30 septembre 2023 à 12:00

Ce texte est tiré du dernier numéro de notre trimestriel, Lignes d'Attac, disponible en adhérant ou en s'abonnant.

Le lycée professionnel scolarise un tiers des lycéen·nes du pays. Les statistiques sont implacables : en grande majorité, ce sont des élèves issu·es des milieux populaires. Habituellement, toute réforme affectant la voie professionnelle se fait dans l'indifférence générale. Ce fut le cas par exemple en 2019 lorsque, déjà, les enseignements généraux y furent réduits d'un tiers.

Cette fois, la réforme prévue a fait davantage parler, car Emmanuel Macron a décidé d'en faire l'un des fers de lance de sa communication « des cents jours ». Les effets d'annonce sont clinquants : l'Etat rémunérera les stages des élèves, les offres de formations seront déterminées en fonction des demandes des bassins d'emplois, certaines filières jugées non insérables seront fermées dès la rentrée 2023… Des annonces, des buldozers, la Macronie dans toute sa splendeur !

Peu habituée aux problématiques spécifiques de l'enseignement professionnel, la société peine à voir les enjeux de cette réforme. Il s'agit pourtant d'une remise en cause du droit à l'éducation d'une grande partie des jeunes de ce pays. S'il est normal de rémunérer des élèves qui travaillent en entreprises, on comprend mal en effet pourquoi cela relèverait de l'Etat, sauf à y voir un énième cadeau aux entreprises dont on sait qu'elles avaient mal accueilli l'idée préalable de devoir financer une augmentation du temps de stage des lycéen-ne-s professionnel-le-s.

Par ailleurs, assumer que l'offre ne soit déterminée que localement assigne à résidence géographique des jeunes dont il faudrait à l'inverse favoriser la mobilité nationale et internationale. C'est admettre également que le curriculum scolaire (ce qui doit être enseigné) est désormais décidé par le marché.

Toute aussi grave est la quasi-impossibilité qu'auront les jeunes à poursuivre leurs études dans le supérieur. Parcoursup réduisait déjà amplement les possibilités ; mais la réforme abat une dernière carte : les lycéen-ne-s qui voudront poursuivre dans le supérieur devront cesser leur stage et se mettre à niveau pendant quatre semaines. Quel-le-s élèves préfèreront lâcher la rémunération dont beaucoup ont socialement besoin ?

Enfin, que deviendront les enseignant·es des filières sacrifiées ? Le ministre leur promet une reconversion en école primaire ou en collège… Quelle ignorance de la diversité des métiers ! Bref, la Macronie s'apprête à supprimer un segment de la chaîne éducative au nom d'une politique d'austérité qui ne dit pas son nom. Une fois de plus sur le dos des plus faibles.

Laurence de Cock

Opération Wuambushu : sécuriser la colonie

1 octobre 2023 à 12:00

A Mayotte, l'opération « Wuambushu » lancée par le ministère de l'Intérieur affiche un triple objectif : détruire les bidonvilles, lutter contre la délinquance, expulser les personnes en situation irrégulière. Elle illustre la formule « étranger = pauvre = délinquant », appliquée cette fois à un territoire très lointain de la France, dont les réalités sont peu connues.

Ce texte est tiré du dernier numéro de notre trimestriel, Lignes d'Attac, disponible en adhérant ou en s'abonnant.

Par cette opération, l'exécutif souhaite mettre en scène et médiatiser une « reprise en main » (la traduction de Wuambushu en mahorais) sur des thèmes sécuritaires qui lui permettent de courtiser l'électorat de droite et d'extrême-droite en France. Mais la réalité à Mayotte est évidemment infiniment plus complexe et ne peut être appréhendée qu'au regard de l'histoire coloniale qui lie l'archipel des Comores à la France.

Un détour par l'histoire

Habité d'abord par des peuples bantous swahili, sakalaves malgaches et des communautés perses, l'archipel des Comores mêle tradition musulmane et coutumes africaines. A la chute de Constantinople, le commerce orient-occident est redirigé vers le canal du Mozambique et les sultanats locaux, qui pratiquent et s'enrichissent de l'esclavage, prospèrent en se partageant l'autorité sur l'archipel.

Les Britanniques, les Français et les Portugais s'installent progressivement dans la région devenue stratégique. C'est dans la décennie 1830 que l'histoire de Mayotte se scelle. Vaincu à Madagascar, le roi sakalave de Boina, Tsi Levalou, se réfugie sur l'île où il accède ensuite au pouvoir. Menacé par les sultanats de Mohéli et d'Anjouan et isolé par rapport à Madagascar, le sultan se tourne alors vers la France et, en 1841 vend sa souveraineté sur l'île pour des profits personnels. Le régime français rattache Mayotte à sa colonie de Madagascar jusqu'en 1946. Dans ce laps de temps, les autres îles comoriennes ont rejoint « l'empire colonial ».

A l'issue du référendum de 1974 (réitéré en 1976) qui entérine l'indépendance des Comores, la France se maintient à Mayotte au prétexte que les Mahorais ont voté contre l'indépendance. Cette lecture du référendum île par île est condamnée par des résolutions des Nations-Unies. Mayotte accède au statut provisoire de « Collectivité territoriale » avec un conseil général placé sous la tutelle du préfet jusqu'au début des années 2000. Les élu⸱es mahorais⸱es militent pour une départementalisation aux côtés de l'État français, pour qui cette opération est stratégique et indispensable pour assoir sa position sur l'île.

Dès les années 80, la « menace comorienne » est brandie pour accélérer ce processus. Avant que Mayotte ne devienne un département d'Outre-Mer en 2011, un visa obligatoire est instauré en janvier 1995, marquant la fin de la libre circulation des personnes dans l'archipel et le début d'une militarisation accrue sur l'île. En 2022, le Conseil constitutionnel valide le régime dérogatoire qui permet aux policiers d'effectuer des contrôles d'identité sans préavis sur toute l'île.

Dans un archipel divisé par une frontière créée par la France, qui est étranger et qui ne l'est pas ? Sur cette île, que l'État a voulu à tout prix garder dans son giron sans pour autant y accorder les mêmes droits à ses habitant⸱e⸱s qu'aux Français.es en métropole, ni fournir le même niveau de service public, est-ce par la « sécurisation » que l'on résoudra la grande pauvreté dans laquelle vit 80 % de la population ? Quand les écarts de richesse se creusent au sein d'une société, entre la population colonisée et une petite minorité qui détient le pouvoir et l'économie locale, doit-on s'étonner que cela engendre de la rébellion, de la violence ?

Le 24 mai dernier, l'opération Wuambushu reprenait avec la démolition du quartier Talus 2 et de ses 162 maisons en tôle. Seule la moitié des habitant⸱es concerné⸱es sera relogée, pour une durée de 3 à 6 mois uniquement. L'État lutte donc contre l'insalubrité en jetant des personnes à la rue, sans solution de logement pérenne. Au deuxième jour de la démolition de Talus 2, Wuambushu avait fait son premier mort : un salarié dans le bâtiment, habitant du quartier et mobilisé pour l'opération dans le cadre de son travail, victime d'un AVC alors qu'il devait détruire sa propre maison.

Le comble du cynisme et de la violence coloniale, c'est donc quand ce sont les personnes colonisées elles-mêmes qui sont embauchées pour détruire leurs habitations. Car l'État a envoyé à Mayotte des policiers et gendarmes en renfort, mais il faut bien des bras sur place pour terminer les sales besognes.

Marie Bazin (Survie) et Marie Beyer

L'intégralité de cet éditorial a été posté dans le magazine Billets d'Afrique n°328 publié par l'association Survie. https://survie.org/billets-d-afrique/ 

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