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Reçu hier — 7 mai 2025Veille et Analyse TICE

Quelles transformations induites par l’informatique et le numérique ?

7 mai 2025 à 19:17

Depuis le début des années 1960, l’informatique a pris place dans nos sociétés et les a envahies à tel point que son omniprésence se confirme chaque jour dans notre vie quotidienne aussi bien que professionelle.

Plusieurs époques de développement qui parfois se superposent dans le temps sont à distinguer :

  • L’avènement de l’informatique dans les entreprises et administrations pour automatiser certaines tâches essentiellement administratives
  • Le développement de l’informatique individuelle qui transforme les postes de travail et qui s’insère dans les automatismes industriels
  • L’enrichissement multimédia de l’informatique qui devient intégrateur d’images et de son
  • La mise en réseau à l’échelle planétaire qui va préparer des usages mobiles de l’informatique
  • Le développement des contenus et des échanges avec l’informatique et Internet, le développement des réseaux sociaux
  • La miniaturisation et le développement des environnements pervasifs transforment les usages individuels du « numérique » intégratif
  • L’augmentation de la puissance des machines, le développement des algorithmes complexes, l’accès à de grandes quantités de données permettant un traitement automatique « dit intelligent »

 

Principaux champs d’application de ces développements qui parfois sont reliés entre eux :

  • Transformations professionnelles : transformation des activités métiers et des compétences nécessaires pour les piloter
  • Transformations sociale : évolution des pratiques quotidiennes de la population aussi bien dans son information que ses communications
  • Transformations mentales et cognitives : modifications comportementales induisant une progressive transformation des fonctionnement mentaux et cognitifs

 

Quelques effets énoncés ou observés… :

– Accélération et transformation des métiers

Au cours des 60 dernières années, la productivité des entreprises et administration n’a eu de cesse de progresser. Selon Hartmut Rosa, cela est visible au travers d’une part de l’accélération des activités humaines et d’autre part par le développement du souhait des humains de contrôler le monde qui nous entoure. La transformation de nombreux métiers a été à l’origine de changements aussi bien organisationnels qu’humains. Face à l’entrée de l’informatisation dans les processus industriels (exemple de la mécanique), les professionnels ont dû s’adapter et faire évoluer leurs compétences en fonction des moyens techniques qui leurs sont proposés ou imposés. La faculté d’adaptation qui recouvre l’autoapprentissage/ autoformation, la plasticité intellectuelle et cérébrale, la curiosité, entre autres, est au coeur de cette évolution. Un exemple vécu au milieu des années 1980 a été, pour des secrétaires et assistantes, le passage au traitement de texte en remplacement de la machine à écrire. On peut aussi évoquer, ultérieurement, l’usage de la messagerie électronique qui a modifié le travail des cadres et de leurs assistant(e)s.

 

– Modification de la représentation de l’espace et du temps

La communication en temps réel d’un point à l’autre de la planète transforme la perception de l’espace et de la distance. L’échange en visio (skype vient de disparaître, whatsapp comme d’autres le permettent) est devenu un outil « ordinaire », aussi bien pour le travail que pour les communications avec les proches. Lors de la crise sanitaire débuté en 2020 nombre de personnes se sont familiarisées avec cet outil, rompant la distance mais aussi l’absence physique. Outre la distance, c’est aussi l’instantanéité, la simultanéité permise par le direct qui fait disparaître le temps de la distance, celui du déplacement. La perception de l’espace se trouve aussi transformé par les systèmes de géolocalisation (GPS en particulier). Le passage de la carte physique à la carte numérique et l’automatisation de la localisation personnelle a permis la mise en place de la délégation de l’itinéraire au logiciel qui gère le déplacement. La notion de temps n’est pas uniquement liée à la durée, mais aussi à l’émergence de la permanence jour et nuit qui amène des travailleurs à être sollicités hors du temps de travail physique défini.

– Evolution de la construction de l’autre comme personne

La possibilité d’un pseudonyme (sur les forums et réseaux sociaux) ou d’un avatar (dans les mondes virtuels) ouvre à l’anonymisation des échanges humains au travers des moyens numériques. Le problème posé est celui que l’on peut rapidement présenter comme « la permanence de l’autre » et celui de « l’identité de l’autre ». Comment une relation peut-elle se construire avec un autre dont l’apparence perçue peut-être totalement construite, loin de la réalité de la personne qui se trouve en interaction. Les exemples de tromperies sur l’identité sont connus, en particulier dans des milieux troubles, voire délinquants. Cependant la perception de l’autre passe aussi par la perception de soi comme acteur impliqué : ce que je montre et dis de moi renvoie à ce que je crois être l’autre. Le défaut de « naïveté » invoqué par des personnes découvrant la fausse identité d’une personne avec laquelle des échanges existent met en évidence la difficulté à construire l’autre comme personne indépendamment de ses propres attentes et représentations

Transformation des relations intra familiales

Le tissu familial, s’il s’est réduit et fragilisé depuis une cinquantaine d’années a pris une autre importance depuis que le taux de natalité a baissé et que les techniques de communication ont permis une relation permanente, physique ou numérique. Le bébé qui dort est surveillé à distance, les enfants à l’école sont potentiellement joignables, les adolescents en réseau, le lien avec les personnes âgées de la famille, etc… tout ces éléments participent de l’évolution des relations intra familiales. Si elles s’affranchissent des contraintes physiques, les technologies numériques permettent aussi surveillance et contrôle. Absents et présents sont simultanés. La gestion de l’angoisse de séparation a évolué au cours de toutes ces années allant vers de plus en plus d’immédiateté, d’instantanéité, de permanence.

Evolution des rythmes vigilance, attention, veille, sommeil, etc…

La permanence des liens et de flux d’information et de communication induisent des comportements de vigilance nouveaux. Les notifications sonores et visuelles nous alertent et prennent la main sur notre gestion personnelle du temps et des relations. Les propositions logicielles, en particulier de loisir ou d’échanges, on développé des méthodes de captation de l’attention proches de celles de l’industrie des jeux vidéos. Entre les réseaux sociaux numériques et les jeux vidéos, les jeunes (et jeunes adultes) sont des cibles d’entreprises et de projets. Ils sont donc « aspirés » s’ils n’y prennent garde et transforment potentiellement leur comportement social mais aussi leur rythme de vie.

Quand les analyses sont, aussi, contestables…

On trouve aussi régulièrement des textes et vidéo dont l’origine des assertions mérite discussion. Portés par des convictions ou des croyances ces documents visent non pas à donner un éclairage scientifique, mais à alerter, influencer les récepteurs. Ils sont légions à chaque saut technologique. Ils sont rarement confirmés pour la plupart des citoyens, mais sont observés sur des groupes de personnes spécifiques en petit nombre. Le focus sur certaines dérives est très souvent généralisé et présenté comme une menace pour l’ensemble de la population. Ces procédés manipulatoires ne sont pas nouveaux, mais ils sont à chaque saut technologique révélateurs des enthousiasmes et des angoisses qui traversent la population. Ce sont surtout leurs relais dans la sphère médiatique qui pose problème : les cas graves n’existent en masse que si les relais madiatiques les amènent au premier plan. C’est d’ailleurs ce qui amène de plus en plus la population à se méfier de « tous les vecteurs d’information ». Le revers est que chacun se crée une sorte de bulle confortable plutôt que de chercher à savoir et à comprendre….

 

Par exemple : La liste de risques évoquée ci-dessous a été publiée en ligne et se caractérise par des généralités difficilement vérifiables (l’autrice parle de « premières études » sans préciser lesquelles et sans vérifier si elles sont confortées). L’argument d’autorité (études) l’emporte sur l’argument de véracité (à confirmer)…

  • Affaiblissement de la pensée critique
  • Réduction de l’autonomie relationnelle
  • Fragilité cognitive
  • Diminution de la créativité
  • Baisse de la mémoire et de la concentration
  • Dépendance

 

En conclusion

Sans être exhaustif (et ce n’est pas possible), nous avons essayé d’apporter quelques éclairages sur l’effet des évolutions techniques sur la vie de chacun de nous. Dans le monde de l’éducation, une lenteur institutionnelle met en sourdine les échos de ces évolutions. Les débats sur la nécessité ou pas de les prendre en compte reste toujours vif. Le temps éducatif n’est pas le temps de la technique. Les transformations culturelles doivent être lues à l’échelle de dizaines d’années (l’exemple de la place des femmes dans la société en est une illustration) et les transformations ne sont jamais aussi spectaculaires qu’on le croit. Les fameuses disruptions qui font vendre des propos ne sont pas les réelles transformations qui s’effectuent. L’exemple de l’informatique devenue numérique est à analyser à l’échelle de plus d’un demi siècle, voire un siècle (cf les premiers travaux fondateurs). Ce sont les transformations observables sur le long terme qu’il est nécessaire de prendre en compte et d’étudier….

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