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Reçu avant avant-hierAttac France

Lettre ouverte aux sénateurs et sénatrices : il est temps de taxer les ultra-riches

7 mai 2025 à 12:32

Madame, Monsieur,

Le 12 juin, vous aurez l'opportunité de voter une proposition de loi essentielle qui peut faire une vraie différence dans la vie des Français·es : la mise en place d'un impôt minimum sur les grandes fortunes. Ce texte vise à renforcer notre pacte républicain en étant fidèle au principe d'égalité devant l'impôt consacré par la Constitution française et à assurer une contribution plus équitablement répartie pour faire face aux défis que nous devons relever ensemble.

Notre pays fait face à une crise du financement des services publics, à un besoin impératif d'investissement dans la transition écologique et à une demande légitime des citoyen·ne·s pour plus de justice fiscale. Dans ce contexte, la taxation des personnes les plus fortunées, détenant aà minima 100 millions d'euros, est une mesure pragmatique et nécessaire qui permettrait de rapporter entre 15 et 25 milliards d'euros par an. Elle est plébiscitée par des économistes de renom, y compris par des institutions financières internationales, afin notamment de collecter le manque à gagner fiscal auprès des acteurs aujourd'hui sous-imposés. Il a été démontré que le taux d'imposition sur le revenu devient régressif au-delà des 0,1% les plus riches, pouvant même descendre jusqu'à seulement 0,2% du revenu global des milliardaires. Il est donc aujourd'hui indispensable d'agir pour garantir que les plus aisés paient, eux aussi, leur juste part d'impôts.

Ce texte ne pénalise ni l'investissement ni l'entrepreneuriat, et ne risque pas d'engendrer d'exil fiscal à grande échelle mais au contraire assure que les contributions fiscales soient proportionnelles aux ressources de chacun·e. C'est un enjeu de responsabilité et d'efficacité économique : un système fiscal plus juste permet de renforcer la stabilité sociale et économique du pays à court et moyen terme.

Nous nous adressons à vous, sénateurs et sénatrices, car nous savons que vous partagez cette ambition d'un modèle économique durable et de solutions pérennes aux crises auxquelles fait face le pays et celles à venir. Soutenir cette loi, c'est envoyer un signal fort : celui d'un engagement en faveur de la responsabilité économique et de la cohésion sociale.

Votre vote du 12 juin sera décisif. Nous comptons sur vous pour prendre une décision courageuse et juste, qui répond aux attentes des citoyens et qui prépare la France aux défis de demain.

Dans l'attente de votre réponse et de votre action, recevez, Madame, Monsieur, l'expression de notre considération.

L'énergie est notre avenir, socialisons-la !

7 mai 2025 à 15:41

Alors que le débat sur l'avenir énergétique de la France bat son plein, le nouveau livre d'Attac propose une alternative crédible : sortir l'électricité des logiques spéculatives et la réinscrire dans un véritable service public sous contrôle citoyen. Face à l'urgence climatique et aux dérives du marché de l'électricité, il trace la voie d'une transition énergétique juste, efficace et démocratique.

L'énergie est notre avenir, socialisons-là ! paraît en librairie le 21 mai mais vous pouvez d'ores et déjà commander le livre ci-dessous.

Depuis les années 1990, la libéralisation du marché a transformé l'électricité en une simple marchandise, soumise aux lois de l'offre et de la demande. En résulte une explosion des prix, un manque d'investissements dans la transition énergétique et une mainmise des grands groupes privés sur un bien commun vital.

Loin des promesses d'une concurrence bénéfique, ce système accroît la précarité énergétique et freine la bifurcation écologique. Il fragilise un secteur qui a besoin de planification et de coopération pour éviter le « black out », la panne généralisée telle qu'ont connu récemment le Portugal et l'Espagne.

Face à cela, il est temps de reprendre le contrôle de notre énergie et de refonder un véritable service public de l'énergie avec à la clé une planification à long terme et un engagement clair vers la transition écologique. Un autre monde est possible, construisons-le ensemble !


Cet ouvrage a été écrit par Anne Debregeas, avec Lou Chesné, James Cleaver et Gabriel Delaplace. Il est édité en collaboration avec la fédération syndicale SUD-Energie, qui a développé une expertise avancée du fonctionnement des marchés de l'électricité.

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L'électricité : une clé pour sortir de la crise climatique

7 mai 2025 à 16:29

Alors que le débat sur l'avenir énergétique de la France bat son plein, le nouveau livre d'Attac, à paraître le 21 mai, propose une alternative crédible : sortir l'électricité des logiques spéculatives et la réinscrire dans un véritable service public sous contrôle citoyen. Nous en publions ici l'introduction.

Vous pouvez d'ores et déjà commander le livre sur cette page.

Le chaos climatique est déjà là. Nos sociétés sont aujourd'hui confrontées à des événements extrêmes, annoncés de longue date par les lanceurs d'alerte comme les scientifiques du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC). La gravité et l'urgence du dérèglement climatique et de la crise environnementale sont désormais largement admises dans les instances internationales. En 2023, le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, alertait en 2023 sur une planète « au bord du gouffre », indiquant que « la pollution par les combustibles fossiles provoque un chaos climatique sans précédent ».

Le négationnisme climatique qui se développe ne saurait effacer cette dramatique réalité : six des neufs limites planétaires, seuils à ne pas dépasser pour que l'humanité puisse vivre dans un écosystème sûr, sont déjà considérées comme dépassées : changement climatique, modification de l'occupation des sols, utilisation d'eau douce, azote et phosphore des sols et océans, pollutions (métaux lourds, etc.), biodiversité. Depuis 1970, 73% des vertébrés sauvages ont disparu [1]. L'objectif de réchauffement maximum de 1,5°C fixé par l'accord de Paris en 2015 est déjà presque atteint. La Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification (UNCCD) alerte sur une dégradation des sols qui « compromet la capacité de la planète à soutenir l'humanité ».

Bien sûr, le problème est mondial. Mais les pays du Nord ont une responsabilité majeure dans cette situation. L'urgence climatique impose une véritable révolution copernicienne de nos modes de production et de consommation, de notre économie, pour les orienter vers une trajectoire soutenable pour l'humanité. Il s'agit, au premier chef, de réduire les émissions des gaz à effet de serre (GES) responsables du réchauffement climatique pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Autrement dit, en 2050, nos émissions de gaz à effet de serre devront être suffisamment faibles pour être totalement absorbées par les puits de carbone comme les forêts et les océans.

Pour ce faire, la transformation en profondeur de nos économies est une urgence et une nécessité : il faut sortir des productions fossiles, ce qui impose de baisser drastiquement nos consommations d'énergie et de produits manufacturés et de décarboner nos productions. Des conférences sur le climat de l'ONU (COP) à l'Union européenne, en passant par les échelles nationale et régionale, le chemin à suivre semble faire consensus pour répondre à la menace climatique. En France, des objectifs sont déclinés à l'échelle nationale dans le cadre de la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC).

Cette stratégie prévoit, d'ici 2050, de réduire drastiquement les consommations (de 50% par rapport à 2012) et de décarboner totalement la production d'énergie. Pétrole, gaz et charbon doivent être remplacés par des sources décarbonées : biomasse, solaire, éolien, hydraulique, géothermie, et éventuellement nucléaire. Cet objectif ambitieux suscite cependant des questionnements : comment organiser la délibération sur les nécessaires choix énergétiques, comment organiser et mettre en œuvre une telle transition énergétique ?

Quelle électricité pour demain ?

L'électricité produite à partir de sources d'énergie décarbonées est amenée à prendre une place majeure dans la production énergétique de demain. En France, elle devrait voir sa part passer à près de deux tiers de la production énergétique en 2050 contre un quart aujourd'hui, selon les orientations prévues dans la SNBC.

Mais quelle électricité ? Le recours au nucléaire soulève des débats clivants dans la société, alors qu'il existe des scénarios sans nucléaire considérés comme techniquement crédibles par des organismes reconnus. Accepte-t-on d'avoir recours aux biocarburants, à l'agri-voltaïsme, à la méthanisation, à la captation de carbone, et si oui, dans quelles proportions ? Quel niveau de développement de l'éolien, sur terre comme en mer, accepte-t-on ?

Les choix sont complexes, aucun mode de production énergétique n'est neutre pour l'environnement sur l'ensemble de son cycle de vie. S'ajoutent également des contraintes d'ordre social, sociétal, économique, stratégique et de conflit d'usage sur l'utilisation des sols. Il s'agit au premier ordre de limiter l'impact environnemental de nos modes de production – consommation de ressources, pollution, déchets, artificialisation des sols, impact sur la biodiversité, etc.

La nécessité de planifier aujourd'hui la production électrique de demain est renforcée par les contraintes inhérentes aux systèmes électriques : sous peine de coupure massive (black-out), un équilibre parfait doit être maintenu à chaque instant entre production et consommation, malgré de faibles possibilités de stockage et d'ajustement de la demande. Les temps longs de construction des installations de production exigent d'anticiper les investissements nécessaires à cet équilibre, en fonction des évolutions prévisibles de la demande, sur plusieurs décennies.

Cette vision prospective de long terme, basée sur des scénarios globaux, a été développée dès 2003 par l'association négaWatt. Elle a proposé un scénario détaillant les consommations par secteur d'activité (industriel, tertiaire, ménages) sur plusieurs décennies et mettant en regard la production nécessaire par filière, en choisissant de ne pas relancer la construction de nouvelle centrale nucléaire et de prioriser la baisse de la consommation, selon son triptyque « Sobriété, Efficacité, Energies Renouvelables ».

Le Réseau de transport d'électricité (RTE) a publié en octobre 2021 six scénarios proposant des trajectoires de production et de consommation détaillées à l'horizon 2050 et conformes aux objectifs de la SNBC. Ces scénarios, soumis à une large concertation, ont été analysés sous l'angle technique, économique, environnemental, sociétal. L'ADEME (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie) a quant à elle proposé des scénarios plus en rupture, en envisageant notamment une sobriété renforcée.

Tous ces scénarios font ressortir des points de consensus : nécessité de baisser drastiquement la consommation, de développer massivement les énergies renouvelables, de développer la flexibilité de la consommation, le stockage, etc. Mais ils ne permettent pas de trancher certains choix : préférons-nous le risque d'un accident nucléaire et la gestion de déchets irradiés à un développement plus important d'éolienne et de fermes solaires ? Jusqu'à quel point acceptons-nous de changer nos modes de vie pour réduire notre consommation ? Donnons-nous la priorité au développement d'une production plus répartie sur le territoire, quitte à ce qu'elle soit plus chère ? Etc.

Compte tenu de leur complexité et de l'importance de leurs impacts à moyen et long-terme, les choix à opérer dans le cadre de la nécessaire transition énergétique devraient faire l'objet d'une véritable délibération démocratique. Hélas, jusqu'à présent, ils ont résulté de décisions verticales, sans consultation citoyenne autre que de façade. Les différents scénarios évoqués pourraient pourtant permettre d'éclairer un vaste débat public débouchant sur un vote citoyen dont les modalités sont à imaginer.

Au-delà de la nécessaire délibération démocratique sur les choix énergétiques, il faut repenser le fonctionnement même du secteur énergétique. Les politiques européennes de libéralisation ont imposé de soumettre l'électricité à la loi de l'offre et de la demande, la traitant comme une marchandise quelconque. Cette approche purement idéologique, ignorant les caractéristiques élémentaires de l'électricité qui la rendent fondamentalement inadaptée à la concurrence, a mis à mal ce secteur essentiel à la bifurcation énergétique.


[1] Rapport « Planète vivante » 2024 du WWF.

Reçu aujourd’hui — 9 mai 2025Attac France

10 mai : De l'abolition de l'esclavage à la reconquête des souverainetés populaires

9 mai 2025 à 12:54

Le 10 mai est la « Journée nationale des mémoires de la traite, de l'esclavage et de leur abolition ».
Depuis 2006, la France commémore l'abolition de l'esclavage comme crime contre l'humanité, en vertu de la loi portée par Christiane Taubira. Pourtant, cette mémoire reste souvent cantonnée à une reconnaissance symbolique, déconnectée des réalités contemporaines. Car si les chaînes ont été abolies dans les textes, les logiques de domination, elles, perdurent sous d'autres formes. Le néocolonialisme économique, les accords de libre-échange, l'exploitation des travailleurs du Sud global, le pillage écologique organisé par les multinationales : autant de mécanismes qui prolongent l'histoire coloniale dans le présent, dans une continuité structurelle trop rarement interrogée. Cet article propose une lecture altermondialiste de cette date symbolique. Il se propose de relier le passé esclavagiste aux formes actuelles de subordination, en donnant la parole aux résistances populaires qui, à travers le monde, luttent pour leur souveraineté, pour leurs terres, pour leurs droits, et pour un monde post-colonial réellement émancipé.

De l'abolition à la domination : une mémoire à politiser

L'esclavage a été un pilier fondateur du capitalisme globalisé. Il a enrichi les puissances européennes, posé les bases d'une hiérarchie raciale mondiale, et réduit des millions de vies humaines à l'état de marchandise. Aujourd'hui, ce système se perpétue à travers de nouvelles chaînes : celles de la dette, du libre-échange asymétrique, des délocalisations, du travail précaire, de l'extractivisme et des violences environnementales. Ce n'est pas seulement une question de mémoire, c'est une question de justice : comment commémorer l'abolition sans dénoncer les dominations qui en sont les héritières ?

Figures de résistance : des voix debout contre l'esclavage, la dette et la domination

À travers les siècles et les continents, des figures de lutte ont incarné la dignité, la révolte et l'espoir des peuples contre l'esclavage et toutes les formes de domination. À Haïti, Toussaint Louverture, Jean-Jacques Dessalines et Sanité Bélair ont défait l'ordre colonial français et proclamé une république noire affranchie, refusant de courber l'échine malgré l'isolement et les représailles. Au Brésil, Zumbi dos Palmares, chef des communautés quilombos, mena une résistance farouche contre l'esclavage, dont l'esprit vit encore dans les luttes afrodescendantes d'aujourd'hui. En Kanaky, Jean-Marie Tjibaou incarna la lutte pour l'émancipation du peuple kanak et le refus de l'annexion coloniale. En Afrique, Thomas Sankara, président du Burkina Faso, osa briser les chaînes de la dette qu'il qualifia de « forme moderne de l'esclavage », appelant à un refus collectif du remboursement. Plus récemment, des figures comme Berta Cáceres au Honduras, Vandana Shiva en Inde, ou Chérifa Khedir en Algérie ont poursuivi ces combats, liant justice sociale, souveraineté et respect du vivant. Ces femmes et ces hommes sont les visages connus de la liberté, de la désobéissance fertile, et de la mémoire vivante des peuples en lutte. À leurs côtés, nombres sont celles et ceux qui ont contribué à l'émancipation par leur action et leurs réflexions. Car la liberté est une affaire collective !

Haïti, Antilles françaises, Kanaky : l'indépendance entravée, les mémoires blessées

Haïti fut la première république noire libre, arrachée dans le sang par des esclaves révoltés contre l'ordre colonial français. Pourtant, dès son indépendance, la France lui imposa une dette odieuse, au profit des anciens colons, véritable rançon pour avoir osé se libérer. Cette dette, payée pendant plus d'un siècle, a étranglé l'économie haïtienne et symbolise le chantage exercé sur les peuples affranchis. Aux Antilles françaises, l'esclavage a laissé place à une économie de plantation coloniale reconvertie, où le travail reste précaire, les terres accaparées, et où le poison du chlordécone incarne la continuité de la violence raciale et environnementale. En Kanaky (Nouvelle-Calédonie), les Kanaks, peuple colonisé, continuent de revendiquer leur souveraineté contre un État français qui refuse l'autodétermination. Ces territoires dits « d'outre-mer » rappellent que la France n'a jamais vraiment rompu avec son passé colonial.

Abolition inachevée : l'Afrique toujours pillée

Si l'esclavage colonial a officiellement été aboli sur le continent africain, il a été rapidement remplacé par la colonisation directe, puis par un néocolonialisme économique et militaire. L'Afrique reste aujourd'hui l'un des territoires les plus riches en ressources, mais aussi l'un des continent les plus exploités, exportateur net de capitaux, aussi bien que de ressources vitales. Les anciennes puissances coloniales — et leurs entreprises — y extraient notamment , l'or, le cobalt, le pétrole ou le cacao, souvent sans laisser de retombées locales. Le franc CFA, encore utilisé dans plusieurs pays, symbolise l'emprise économique persistante de la France. Derrière les discours sur « l'aide au développement », c'est une logique de prédation organisée qui se perpétue, à laquelle s'opposent des mouvements citoyens, syndicaux et communautaires qui exigent la fin du pillage et la reconquête de la souveraineté.

Amérique latine : peuples. quilombos et amérindiens en résistance

En Amérique latine, l'héritage de l'esclavage africain et de la colonisation européenne pèse encore lourd. Les peuples quilombolas — descendant.es des esclaves ayant fondé des communautés libres — et les peuples autochtones, continuent de lutter pour leurs droits fonciers, leur culture et leur autodétermination. Ces luttes de survie sont très peu médiatisées mais sont cruciales : elles sont la manifestation d'un courage contre l'oppression et coûtent malheureusement la vie à des femmes et des hommes engagées et porteurs d'une connaissance et humanité ancestrales. L'agrobusiness, la déforestation, les mégaprojets d'infrastructure et l'extractivisme minier menacent directement leurs territoires et leurs modes de vie. Mais face à cette violence systémique, les résistances locales s'organisent : occupations de terres, grèves, mobilisations féministes autochtones et alliances avec les mouvements écologistes montrent qu'il existe une autre voie, fondée sur la justice sociale, le respect des peuples et la défense de la vie.

Asie : luttes sociales et alternatives populaires

En Asie, la domination coloniale s'est transformée en domination industrielle. Les anciennes colonies britanniques, françaises, néerlandaises ou portugaises sont aujourd'hui les ateliers du monde, au service de la consommation occidentale. Le textile, l'électronique, les services numériques et les chaînes d'assemblage exploitent une main-d'œuvre sous-payée, souvent féminine, avec des droits syndicaux bafoués. Pourtant, des mouvements puissants secouent le continent : syndicats indépendants au Bangladesh, luttes paysannes en Inde contre les lois néolibérales, coopératives solidaires aux Philippines, résistances écologistes en Indonésie… Dans les marges du capitalisme, se tissent des alternatives portées par des femmes, des jeunes, des peuples autochtones, qui remettent en cause le modèle de développement imposé par le Nord. Si certains de ces pays n'échappent pas à la prise de pouvoir de gouvernements autoritaires, comme en Europe et ailleurs, les populations sont en position de résistance constante et cherchent elles aussi à se défendre du fascisme quel qu'il soit.

Santé et sécurité au travail : les corps sacrifiés, les peuples en lutte

Dans le Sud global, la santé et la sécurité des travailleurs sont trop souvent sacrifiées sur l'autel du profit mondialisé. Des mines d'Afrique aux plantations d'Amérique latine, des ateliers textiles d'Asie aux zones industrielles d'Outre-mer, les conditions de travail sont marquées par l'absence de protection, l'exposition à des produits toxiques, les cadences inhumaines. Mais face à cela, les résistances sont nombreuses : syndicats combatifs, collectifs de femmes travailleuses, associations de victimes et communautés locales s'organisent pour exiger des normes dignes, la reconnaissance des maladies professionnelles et le respect de la vie humaine. Le combat pour la santé au travail est un combat pour la dignité, contre une division internationale du travail qui considère les corps du Sud comme jetables.

Les accords de libre-échange : chaînes modernes de la servitude économique

Derrière les traités de libre-échange se cache un système qui organise l'asymétrie commerciale au profit du Nord. Ces accords permettent aux multinationales d'exporter leurs produits subventionnés, d'imposer leurs normes sanitaires et de pénétrer les marchés du Sud tout en détruisant les économies locales. Ils favorisent une agriculture intensive d'exportation, ruinent les petits producteurs, appauvrissent les terres et empêchent toute souveraineté alimentaire. Dans cette division internationale du travail, qui nuit également aux petits producteurs et entrepreneurs des pays du Nord, les anciennes colonies restent reléguées au rôle de pourvoyeuses de matières premières ou de main-d'œuvre bon marché. Face à cela, des mouvements paysans, autochtones et altermondialistes s'élèvent, appelant à rompre avec ces traités inéquitables et à construire un commerce basé sur la justice, la solidarité et l'autonomie des peuples.

Les grandes entreprises : colonisation sans canon, domination par le capital

Les grandes entreprises transnationales perpétuent aujourd'hui la domination coloniale par d'autres moyens. En Afrique, aux Caraïbes, en Amazonie ou en Océanie, elles exploitent les terres, accaparent les ressources, détruisent les forêts et contaminent les eaux — le tout avec la bénédiction de nombreux gouvernements. Le profit prime sur le vivant, et les communautés locales ne récoltent que la misère, la pollution et la violence. Ces entreprises bénéficient d'un système global de protection juridique, d'évasion fiscale et de lobbying agressif. Mais face à cette emprise, les résistances locales se multiplient : partout dans le monde, luttes contre les projets miniers, campagnes pour la justice environnementale, mobilisations contre les paradis fiscaux. C'est tout un rapport de force à reconstruire pour que l'économie soit au service des peuples, et non l'inverse.

Extractivisme : la terre violentée, les peuples sacrifiés

L'extractivisme — exploitation intensive des ressources naturelles pour les marchés mondiaux — est l'un des visages les plus brutaux du néocolonialisme contemporain. Des mines d'or en Afrique de l'Ouest aux forages pétroliers en Amazonie, en passant par les plantations d'huile de palme en Asie du Sud-Est, il s'impose comme un modèle de développement imposé de l'extérieur, au service des grandes puissances et des multinationales. Ce système détruit les forêts, empoisonne les rivières, provoque des déplacements forcés de populations autochtones et contamine les sols de substances toxiques. Il engendre maladies, conflits sociaux, et perte des savoirs ancestraux. Les populations locales, souvent réduites au silence ou réprimées lorsqu'elles résistent, paient le prix fort pour un « progrès » dont elles ne voient jamais les bénéfices. L'extractivisme nie toute relation respectueuse au vivant : il transforme la Terre en marchandise, les humains en main-d'œuvre corvéable, et les écosystèmes en champs de ruines. C'est un terricide en cours.

Ingérences étrangères : un colonialisme sans uniforme

Derrière les discours de coopération et d'aide au développement, les ingérences étrangères continuent de miner la souveraineté des peuples dans de nombreux pays du Sud. Par le biais de coups d'État orchestrés, de soutien à des régimes autoritaires, ou de manipulation électorale, les anciennes puissances coloniales et leurs alliés perpétuent un ordre mondial fondé sur le contrôle des ressources et des territoires. Qu'il s'agisse des interventions militaires en Afrique, du soutien à des élites corrompues en Amérique latine, ou des jeux d'influence géopolitique en Asie, ces ingérences nourrissent instabilité, répression et fuite des cerveaux. Elles servent souvent à préserver des intérêts économiques ou stratégiques, au détriment des aspirations démocratiques et sociales des populations. La prolongation du colonialisme poursuit et renforce désormais la forme d'un impérialisme déguisé, où la domination s'exerce par les ambassades, les multinationales, les bases militaires et les institutions financières.

La dette et la dette climatique : chaînes invisibles de la domination

La dette publique contractée par de nombreux pays du Sud global est souvent le fruit d'un système construit pour les maintenir dans une dépendance structurelle. Imposée par les grandes institutions financières internationales, comme le FMI et la Banque mondiale, cette dette conditionne les politiques nationales à des réformes d'austérité, à la privatisation des services publics et à l'ouverture totale des marchés, sapant la souveraineté des peuples. Pire encore, à cette dette économique s'ajoute une dette climatique : les pays historiquement les moins responsables du dérèglement climatique sont aujourd'hui ceux qui en subissent les effets les plus violents — sécheresses, inondations, insécurité alimentaire — sans bénéficier des ressources ni des financements nécessaires pour s'y adapter. Les États du Nord refusent d'assumer pleinement leur responsabilité historique dans la destruction environnementale, aggravant l'injustice mondiale. Ainsi, doublement endettés, les pays du Sud doivent payer pour des crises qu'ils n'ont pas créées. Cette réalité, loin d'être un simple déséquilibre, est une forme contemporaine de spoliation.

L'altermondialisme contre le néocolonialisme : pour la souveraineté des peuples

Le néocolonialisme est la continuation de la colonisation par d'autres moyens : économiques, financiers, commerciaux, culturels. Il permet aux puissances du Nord et de la Chine et à leurs multinationales d'imposer leurs règles, de contrôler les ressources, et de subordonner les peuples à des logiques de marché, de dette et d'extractivisme. Mais les peuples du Sud ne sont pas passifs : du Chiapas à la Nouvelle-Calédonie, du Sénégal à l'Inde, des résistances s'élèvent, s'organisent, se fédèrent. Elles réclament la souveraineté alimentaire, la justice climatique, la démocratie économique, la réparation historique et le droit de décider par et pour eux-mêmes.
L'altermondialisme n'est pas un slogan : sur tous les continents, c'est une lutte concrète, quotidienne, menée par des syndicats, des collectifs paysans, des mouvements de femmes, des peuples autochtones et des mouvements sociaux ici et là.

Il porte l'espoir d'un monde fondé non plus sur la domination, mais sur la coopération, la dignité, la pluralité des chemins de développement.

Commémorer l'abolition de l'esclavage, c'est reconnaître que la vraie liberté reste à conquérir. C'est refuser que les chaînes d'hier se transforment en dettes, en traités, en zones franches. C'est savoir que les peuples ont toujours résisté à la servitude et se sont battus pour leur émancipation. C'est choisir, aujourd'hui encore, le camp des peuples en lutte.

Jane-Léonie Bellay pour l'espace Enjeux et Mobilisations internationales

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