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Reçu hier — 17 mai 2025Homo Hortus

Anthony Galluzzo et La Fabrique du Consommateur : une critique biopolitique de la société de consommation

17 mai 2025 à 21:09

Anthony Galluzzo, dans La Fabrique du Consommateur, dévoile comment le capitalisme façonne nos désirs et nos comportements pour faire de nous des consommateurs dociles. À la croisée de Foucault et de la critique de la mégamachine, il analyse la biopolitique du consumérisme et ses effets d’aliénation et de dépolitisation. Un livre clé pour penser la sortie du piège consumériste et inventer des alternatives collectives. #Biopolitique #Consommation #Galluzzo #Mégamachine

https://www.hors-serie.net/emissions/la-fabrique-du-consommateur/

Anthony Galluzzo, chercheur en sciences sociales et auteur de La Fabrique du Consommateur (2020), propose une analyse percutante de la manière dont le capitalisme tardif produit des individus dociles, aliénés et happés par la logique consumériste. Son travail s’inscrit dans la lignée des critiques foucaldiennes de la biopolitique, mais se concentre sur un angle précis : la transformation des besoins en désirs artificiels, et l’intériorisation des normes de consommation comme outil de contrôle social.

1. La consommation comme technologie de pouvoir

Pour Galluzzo, la société de consommation n’est pas un « choix » naturel ou un simple progrès économique, mais une construction historique et politique. Depuis le XIXe siècle, le capitalisme a délibérément fabriqué des consommateurs pour écouler une production de masse toujours croissante. Ce projet repose sur :

  • La création de désirs artificiels via le marketing, la publicité et l’obsolescence programmée.
  • La marchandisation de toutes les sphères de la vie (loisirs, santé, éducation, relations sociales).
  • L’individualisation des responsabilités (l’individu est rendu responsable de son bonheur via ses choix de consommation).

Cette « fabrique » transforme les citoyens en consommateurs passifs, dont l’identité et la reconnaissance sociale dépendent de leur capacité à acheter.

2. Biopolitique du consommateur

Galluzzo rejoint Foucault en montrant que la consommation n’est pas seulement une activité économique, mais une technologie de pouvoir qui agit sur les corps et les esprits :

  • Disciplinarisation des comportements : Les individus internalisent des normes (être à la mode, suivre les tendances) et s’auto-surveillent pour se conformer aux standards sociaux.
  • Gestion des populations : Le consumérisme permet de canaliser les frustrations, d’éviter les conflits de classe et de maintenir l’ordre social.
  • Production de subjectivités : Le désir de consommer devient une partie constitutive de l’identité, effaçant les autres formes de désir (politique, créatif, relationnel).

Cette biopolitique est d’autant plus efficace qu’elle est vécue comme une liberté (« choisir » entre 50 marques de yaourt) plutôt que comme une contrainte.

3. Le consommateur, rouage de la mégamachine thanatique

Galluzzo relie sa critique à celle de la « mégamachine » (Lewis Mumford) : le consumérisme est un pilier de la logique thanatique du capitalisme, qui repose sur :

  • L’exploitation infinie des ressources (le consommateur est incité à participer à la destruction écologique).
  • La dépolitisation : En se focalisant sur l’acte d’achat, l’individu délaisse l’engagement collectif et la critique du système.
  • L’illusion de l’échappatoire individuel : Les alternatives éthiques (bio, équitable) sont récupérées par le marché, neutralisant leur potentiel subversif.

4. Résistances et alternatives

Galluzzo ne se contente pas de critiquer : il appelle à déconstruire les mécanismes de la fabrique consumériste et à inventer des modes de vie post-capitalistes. Parmi les pistes :

  • Re-politiser la consommation : Boycotts, circuits courts, coopératives.
  • Recréer des communs : Mutualiser les ressources pour sortir de la logique marchande.
  • Réinvestir le temps libéré : Passer de la consommation compulsive à des activités créatrices, solidaires ou politiques.

Conclusion

La Fabrique du Consommateur offre une grille de lecture essentielle pour comprendre comment la mégamachine oligarchique produit et contrôle les individus à l’ère néolibérale. En révélant les liens entre consommation aliénée, biopolitique et crise écologique, Galluzzo invite à repenser radicalement nos modes de vie – non pour consommer « mieux », mais pour sortir du piège thanatique de la société de marché.

Citations:
[1] https://journals.openedition.org/labyrinthe/1010
[2] https://www.seuil.com/ouvrage/la-naissance-de-la-biopolitique-cours-au-college-de-france-1978-1979-michel-foucault/9782020324014
[3] https://www.fnac.com/a18117932/Simeon-Wade-Foucault-en-Californie
[4] https://journals.openedition.org/ethiquepublique/6538
[5] https://www.philomag.com/articles/vivons-nous-lere-de-la-biopolitique
[6] https://journals.openedition.org/leportique/627?lang=en
[7] http://pinguet.free.fr/foucault7879.pdf
[8] https://www.librairie-gallimard.com/livre/9782020324014-la-naissance-de-la-biopolitique-cours-au-college-de-france-1978-1979-michel-foucault/

Démocratie, mégamachine et biopolitique : sortir du piège thanatique

17 mai 2025 à 21:38

La souveraineté populaire rousseauiste n’a jamais existé. Foucault, Mumford, Wark et Colliot-Thélène révèlent comment la mégamachine oligarchique aliène les individus via la délégation, la rationalité instrumentale et la biopolitique. Seule une démocratie radicale, fondée sur les communs et le municipalisme, peut briser ce cercle vicieux. #Biopolitique #DémocratieRadicale #Écocide

1. Souveraineté populaire : un mythe, une illusion

Catherine Colliot-Thélène a raison : la souveraineté populaire selon Rousseau n’a jamais été réalisée. Foucault, Hardt et Negri prolongent cette critique en montrant que le « corps social » n’est pas le fruit d’un contrat volontaire, mais de rapports de pouvoir qui s’exercent sur les corps mêmes des individus. La mégamachine oligarchique (Mumford, Schneider) fonctionne comme un système clos (Luhmann, Illich) où la délégation représentative et la rationalité instrumentale transforment les citoyens en « animaux laborans » (Arendt), apolitiques et aliénés.

2. Biopolitique et fabrique de l’individu apolitique

La mégamachine exerce une biopolitique totale (Foucault, Galluzzo, Han) :

  • Intériorisation des normes : Le consumérisme (Marcuse), l’auto-optimisation (Han), la peur et la compétition sont internalisés, façonnant des individus dociles.
  • Rôle des institutions : Partis et syndicats, censés représenter le peuple, deviennent des machines à fabriquer des « passions tristes » (Weil), détournant les colères vers des luttes stériles ou des compromis gestionnaires.
  • Gouvernementalité algorithmique (Rouvroy, Berns) : Les Big Data et l’IA renforcent le contrôle social, anticipant et neutralisant les résistances.

3. Le double désencastrement : État et marchés

Comme l’ont montré Arendt et Polanyi, la société moderne est prise en tenaille entre deux logiques de domination :

  • Désencastrement de l’État : Absorption de la société civile par la bureaucratie, effacement de la sphère publique.
  • Désencastrement des marchés : Marchandisation de la vie, dépossession des communs, financiarisation totale.
    Ce double mouvement permet à la mégamachine de reproduire sa logique thanatique (Wark) : exploitation extractiviste, militarisation des frontières (Frontex, mur de Trump), fuite en avant techno-solutionniste (Jevons Paradoxe) et préparation oligarchique à l’effondrement (bunkers, îles flottantes privatisées).

4. L’échappatoire astrocapitaliste : un suicide planétaire

L’oligarchie thanatique mise sur une fuite en avant :

  • Techno-solutionnisme : Géo-ingénierie, IA, colonies spatiales… autant de leurres pour éviter la remise en question du système.
  • Apartheid climatique : Les élites s’enferment dans des archipels sécurisés, laissant les populations vulnérables subir l’effondrement.
  • Gouvernance algorithmique : Un pouvoir déshumanisé, où les décisions sont prises par des machines au nom de l’« efficacité ».

5. Sortir de la mégamachine : municipalisme, communs et démocratie radicale

Face à cette impasse, il faut réinventer des pratiques politiques hors de la logique de la mégamachine :

6. Déclôturer les systèmes, réencastrer le politique

Pour briser la rationalité instrumentale de la mégamachine, il faut :

Conclusion

La mégamachine thanatique n’est pas une fatalité. En liant les analyses de Colliot-Thélène, Foucault, Mumford et Saito, il apparaît que la sortie passe par une démocratie radicale, ancrée dans le local mais ouverte au fédéralisme, fondée sur les communs et l’auto-institution permanente. C’est à cette condition que nous pourrons éviter l’écocide global et l’apartheid climatique, et inventer un monde où la souveraineté populaire ne sera plus un mythe, mais une pratique vivante.

Souveraineté populaire : un idéal rousseauiste jamais incarné ?

17 mai 2025 à 22:37

Catherine Colliot-Thélène l’affirme : la souveraineté populaire, telle que pensée par Rousseau, n’a jamais été réalisée. Pourquoi ce principe fondateur de la démocratie reste-t-il un horizon inatteignable ? Retour sur un mythe politique et ses implications contemporaines.

L’idée de souveraineté populaire, au cœur de la philosophie politique de Rousseau, continue de fasciner et d’inspirer les mouvements démocratiques. Mais, comme le rappelle Catherine Colliot-Thélène, cet idéal n’a jamais été pleinement incarné dans l’histoire politique occidentale.

1. Rousseau et la souveraineté populaire : un principe radical
Pour Rousseau, la souveraineté appartient au peuple tout entier : il ne peut ni la déléguer, ni l’aliéner. La volonté générale doit s’exprimer directement, sans intermédiaires, à travers la participation active de chaque citoyen à la fabrication de la loi. Ce modèle exigeant va bien au-delà de la démocratie représentative moderne.

2. Un mythe fondateur, jamais réalisé
Colliot-Thélène souligne que, dès la Révolution française, la souveraineté populaire a été confisquée par des élites et des représentants. Les régimes occidentaux se sont construits sur la délégation du pouvoir, la professionnalisation de la politique et la mise à distance du peuple réel. La démocratie représentative, loin de réaliser la souveraineté populaire, en demeure une version affaiblie et indirecte.

3. Les causes de l’irréalisation

  • Complexité des sociétés modernes : La taille, la diversité et la technicité des États rendraient difficile la participation directe de tous.
  • Institutionnalisation de la délégation : Les mécanismes électoraux et les partis politiques structurent la vie politique autour de la compétition pour le pouvoir, non de la délibération collective.
  • Dépolitisation et apathie : L’individu moderne, réduit à un simple « animal laborans » (Arendt), se trouve éloigné de la sphère publique et privé de prise réelle sur les décisions collectives.

4. Un horizon critique et mobilisateur
Pour Colliot-Thélène, la souveraineté populaire reste un « mythe fondateur », une idée régulatrice qui permet de juger et de critiquer les institutions existantes. Elle nourrit les luttes pour plus de participation, d’égalité et de contrôle citoyen, mais ne s’est jamais incarnée durablement dans les structures politiques.

Conclusion
Reconnaître que la souveraineté populaire n’a jamais été réalisée ne doit pas conduire à la résignation, mais à la recherche de nouvelles formes d’auto-institution, de démocratie directe et de gestion collective des communs. L’idéal rousseauiste demeure un phare : il éclaire les insuffisances du présent et inspire les expérimentations démocratiques à venir.

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