La journée du vendredi 25 avril était riche en sorties attendues pour le metal : difficile de passer à côté des albums de GHOST et LANDMVRKS tant les médias en ont parlé, rendant les autres sorties de ce jour plus confidentielles qu’elles ne l’étaient en réalité. Parmi ces sorties se trouvait le nouvel album, également très attendu, de POINT MORT, groupe de popcore parisien. Sans être l’album le plus remarqué parmi les sorties du jour, il se classe facilement dans la liste des plus remarquables en raison de toutes les qualités qu’on y trouve, notamment la diversité de styles et leur maîtrise.
Le morceau d’ouverture, "ॐ Ajar", donne le ton : notes électro et cris d’abord indistincts, comme prononcés par des créatures qui nous cernent alors qu’on écoute la musique, nous plongent dans l’univers de cet album avec une force d’immersion peu commune. Arrive ensuite "An Ungrateful Wreck Of Our Ghost Bodies" sur lequel le groupe laisse entendre sa force de frappe : le chant de Sam Pillay est principalement saturé sur ce titre, tout en se permettant quelques incursions du côté du chant clair et du chant parlé. La batterie de Simon Belot est assassine et rapide, donnant envie de courir et de regarder partout à la fois. La basse de Damien Hubert et les guitares d’Aurélien Sauzereau et Olivier Millot instaurent le climat d’angoisse, d’inquiétude et d’obscurité de l’album. Mais s’il est aussi sombre, c’est pour mieux séduire le public par sa noirceur et les histoires qu’il raconte, ainsi que par ses qualités parmi lesquelles la maîtrise de toutes les techniques employées. Le chant est particulièrement remarquable, alternant au fil des titres entre chant saturé, chant clair, chant parlé parfois proche du rap, toujours avec brio et équilibre entre les différentes ambiances de l’album.
Si la diversité de styles présente peut parfois égarer les nouvelles oreilles peu familières du groupe, le clip-vidéo de "The Bent Neck Lady" peut conquérir tous les publics : l’histoire d’une petite fille qui ne grandissait pas et finit par rencontrer la dame au cou penché est racontée sans fioritures, tout en intensité et désespoir, et permet de prendre pleinement la mesure du morceau ainsi que de la maîtrise avec laquelle il est exécuté. Le contexte est planté avec douceur et guitare acoustique avant que le chant clair sautillant ne devienne de plus en plus inquiétant au fil du voyage de la petite fille. Le rythme du récit est également celui de l’évolution du titre et le diptyque s’apprécie dans son ensemble, créant ainsi une œuvre unique, impressionnante et terrifiante à souhait, où tous les curseurs sont poussés au maximum.
Après ces histoires de fantôme, "Skinned Teeth" laisse une fois de plus entendre la rage qui habite les membres du groupe et laisse entrevoir des concerts intenses à souhait. Celle-ci semble toutefois plus libre et d’apparence moins ordonnée, impression renforcée par le clip dans lequel le groupe casse de nombreux objets pour extérioriser sa colère. Plus proche du punk, ce titre mise davantage sur l’efficacité en moins de trois minutes pour contraster avec les deux morceaux précédents dont la durée est proche de dix minutes.
Vient ensuite la chanson-titre, "Le Point de Non-Retour", qui cristallise un instant d’éveil et de prise de conscience ultime après un long sommeil pas vraiment réparateur. Le cri « Let it out » résonne alors comme une exhortation à d’autres cris et à l’extériorisation des émotions. Après quoi, impossible de revenir en arrière puisqu’on a atteint une envie d’avancer sans dissimuler nos émotions.
"Iecur" renoue avec les morceaux longs et déploie sa colère en un peu plus de huit minutes, montrant le soubresaut qui intervient après la prise de conscience du morceau précédent. Là encore, les intensités varient, entre grande douceur du chant clair accompagné d’une guitare acoustique et d’une batterie plus douce, et grande colère du chant saturé accompagné de l’ensemble des musiciens pour des rythmes rapides, avant que le chant clair et le chant saturé ne se superposent pour donner davantage de relief à l’un et l’autre.
Dernière chanson de l’album, "Der" reprend en douceur avec un chant clair plus proche de la pop, vite rejoint par l’ensemble des instruments du groupe, puis alterne entre les moments de douceur pop et les moments de force brute plus metal. Le titre fonctionne comme une synthèse des styles abordés dans l’album et se conclut sur des cris de tristesse teintée de regret, émotion exprimée à merveille tout au long de du disque.