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AMENRA "De Toorn" & "With Fang And Claw"

En matière de post-metal, le clan belge AMENRA fait partie des meubles au même titre que ses illustres compères CULT OF LUNA ou NEUROSIS, pour ne citer qu’eux. Originaire de Courtrai en Belgique, formé sur les cendres du groupe de metal/hardcore SPINELESS en 1999, le quintet a toujours eu à cœur de proposer une expérience musicale unique et intense, sombre et mystique, plongeant toujours plus loin l’auditeur dans son univers naviguant aux confins du doom, du sludge et du post-metal.

Ces deux EPs, parus simultanément le 28 mars dernier sur le label Relapse Records, s’inscrivent dans la droite lignée du pedigree de leurs protagonistes. « De Toorn » colle d’ailleurs fidèlement à sa traduction dans la langue de Molière : la colère. Celle, sourde et viscérale, qui habitait déjà son album paru en 2021, « De Doorn », plongeant tête la première dans un brouillard énigmatique. Un brouillard où sont distillés des paysages sonores brumeux, inquiétants, dégageant en toile de fond une certaine mélancolie, une sensibilité à fleur de peau (le superbe "Heden" qui ouvre l’EP en est la plus belle illustration).

Naviguant ici à vue entre spleen et lourdeur, le groupe excelle dans une recette dont seul lui a le secret pendant vingt-cinq minutes de toute beauté. La basse de Tim De Gieter est proéminente : elle gifle, elle vrombit, accompagnée avec doigté par la paire de guitaristes Mathieu J. Vandekerckhove / Lennart Bossu. Le batteur Bjorn J. Lebon, membre historique d’AMENRA, caresse à pas feutré ses peaux avant de laisser sa frappe monolithique se déchaîner, notamment sur les dernières minutes de "De Toorn (Talisman)". Quant à Colin H. Van Eeckhout, le maître de cette funeste cérémonie, il maîtrise toujours avec classe cette dualité entre spoken words et hurlements viscéraux. Le cadre est planté.

« With Fang And Claw » s’inscrit, lui, dans un registre plus brut, plus épuré. De part sa durée déjà, treize minutes montre en main sur lesquelles il laisse éclater son côté le plus sombre au profit de guitares plus abrasives, d’une frappe encore plus méthodique, d’ambiances de fin du monde qui ne laisse plus beaucoup d’espace à la lumière. Cette lumière qui pouvait parfois jaillir chez son frère jumeau. Ici, tout explose dès les premières secondes en un magma de noirceur où rugissements habités et rythmiques chaotiques se succèdent pour injecter une épaisse couche de bitume à grand coup de dissonances sur "Forlorn" et "Salve Mater". Derrière ces habiles montées en puissance, la tension reste toujours présente, palpable. L’atmosphère y est suffocante et contraste de par sa noirceur incisive avec celle qui plane sur « De Toorn ». Un véritable régal d'obscurité.

Les deux EPs ici présentés, superbement illustrés comme à l’habitude du groupe qui consacre aux artworks une importance primordiale, se complètent à merveille. « De Toorn » se veut plus dans la nuance, les ambiances variées avec des structures qui laissent une large place à son chanteur qui imprime de sa patte l’essentiel des 25 minutes. Pendant que « With Fang And Claw » ne s’embarrasse pas de pincettes et renoue avec les moments les plus âpres d’AMENRA, distillant une atmosphère de fin du monde qui ne peut laisser indifférent. Cette facette sauvage, insaisissable, meurtrière qui lui confère ce statut de groupe incontournable dans son genre. "AMENRA m'a tuer", une fois de plus.

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