Anthony Galluzzo et La Fabrique du Consommateur : une critique biopolitique de la société de consommation
Anthony Galluzzo, dans La Fabrique du Consommateur, dévoile comment le capitalisme façonne nos désirs et nos comportements pour faire de nous des consommateurs dociles. À la croisée de Foucault et de la critique de la mégamachine, il analyse la biopolitique du consumérisme et ses effets d’aliénation et de dépolitisation. Un livre clé pour penser la sortie du piège consumériste et inventer des alternatives collectives. #Biopolitique #Consommation #Galluzzo #Mégamachine

Anthony Galluzzo, chercheur en sciences sociales et auteur de La Fabrique du Consommateur (2020), propose une analyse percutante de la manière dont le capitalisme tardif produit des individus dociles, aliénés et happés par la logique consumériste. Son travail s’inscrit dans la lignée des critiques foucaldiennes de la biopolitique, mais se concentre sur un angle précis : la transformation des besoins en désirs artificiels, et l’intériorisation des normes de consommation comme outil de contrôle social.
1. La consommation comme technologie de pouvoir
Pour Galluzzo, la société de consommation n’est pas un « choix » naturel ou un simple progrès économique, mais une construction historique et politique. Depuis le XIXe siècle, le capitalisme a délibérément fabriqué des consommateurs pour écouler une production de masse toujours croissante. Ce projet repose sur :
- La création de désirs artificiels via le marketing, la publicité et l’obsolescence programmée.
- La marchandisation de toutes les sphères de la vie (loisirs, santé, éducation, relations sociales).
- L’individualisation des responsabilités (l’individu est rendu responsable de son bonheur via ses choix de consommation).
Cette « fabrique » transforme les citoyens en consommateurs passifs, dont l’identité et la reconnaissance sociale dépendent de leur capacité à acheter.
2. Biopolitique du consommateur
Galluzzo rejoint Foucault en montrant que la consommation n’est pas seulement une activité économique, mais une technologie de pouvoir qui agit sur les corps et les esprits :
- Disciplinarisation des comportements : Les individus internalisent des normes (être à la mode, suivre les tendances) et s’auto-surveillent pour se conformer aux standards sociaux.
- Gestion des populations : Le consumérisme permet de canaliser les frustrations, d’éviter les conflits de classe et de maintenir l’ordre social.
- Production de subjectivités : Le désir de consommer devient une partie constitutive de l’identité, effaçant les autres formes de désir (politique, créatif, relationnel).
Cette biopolitique est d’autant plus efficace qu’elle est vécue comme une liberté (« choisir » entre 50 marques de yaourt) plutôt que comme une contrainte.
3. Le consommateur, rouage de la mégamachine thanatique
Galluzzo relie sa critique à celle de la « mégamachine » (Lewis Mumford) : le consumérisme est un pilier de la logique thanatique du capitalisme, qui repose sur :
- L’exploitation infinie des ressources (le consommateur est incité à participer à la destruction écologique).
- La dépolitisation : En se focalisant sur l’acte d’achat, l’individu délaisse l’engagement collectif et la critique du système.
- L’illusion de l’échappatoire individuel : Les alternatives éthiques (bio, équitable) sont récupérées par le marché, neutralisant leur potentiel subversif.
4. Résistances et alternatives
Galluzzo ne se contente pas de critiquer : il appelle à déconstruire les mécanismes de la fabrique consumériste et à inventer des modes de vie post-capitalistes. Parmi les pistes :
- Re-politiser la consommation : Boycotts, circuits courts, coopératives.
- Recréer des communs : Mutualiser les ressources pour sortir de la logique marchande.
- Réinvestir le temps libéré : Passer de la consommation compulsive à des activités créatrices, solidaires ou politiques.
Conclusion
La Fabrique du Consommateur offre une grille de lecture essentielle pour comprendre comment la mégamachine oligarchique produit et contrôle les individus à l’ère néolibérale. En révélant les liens entre consommation aliénée, biopolitique et crise écologique, Galluzzo invite à repenser radicalement nos modes de vie – non pour consommer « mieux », mais pour sortir du piège thanatique de la société de marché.
Citations:
[1] https://journals.openedition.org/labyrinthe/1010
[2] https://www.seuil.com/ouvrage/la-naissance-de-la-biopolitique-cours-au-college-de-france-1978-1979-michel-foucault/9782020324014
[3] https://www.fnac.com/a18117932/Simeon-Wade-Foucault-en-Californie
[4] https://journals.openedition.org/ethiquepublique/6538
[5] https://www.philomag.com/articles/vivons-nous-lere-de-la-biopolitique
[6] https://journals.openedition.org/leportique/627?lang=en
[7] http://pinguet.free.fr/foucault7879.pdf
[8] https://www.librairie-gallimard.com/livre/9782020324014-la-naissance-de-la-biopolitique-cours-au-college-de-france-1978-1979-michel-foucault/