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Contre les Nazis qui défilent, Au Poste au cœur du village antifasciste

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« Aux grands Hommes la patrie reconnaissante ». Ces mots, gravés dans le marbre du Panthéon, surplombent le village antifasciste de Paris.

Au siècle dernier, la résistante et ethnologue panthéonisée Germaine Tillion écrivait : « Le pire n’est jamais sûr, mais il reste toujours possible. C’est pourquoi il faut agir. » Agir, c’est bien ce dont il est question aujourd’hui.

En réaction à la mobilisation du comité du 9 mai (C9M), c’est donc ici que se sont rassemblés syndicats, collectifs antifascistes et organisations politiques. « L’idée était de proposer une alternative basée sur le dialogue pour imaginer le futur des luttes. » affirme Hugo*, militant antiraciste.

Tables rondes, concerts et baraques à crêpes

Plusieurs dizaines de stands ont pris racine devant le temple de la mémoire nationale, distribuant tracts et pétitions à un public allant de touristes étrangers à militants. « Plein de collectifs sont là pour tout vous expliquer. N’hésitez pas à leur poser des questions ! » indique un organisateur.

« La lutte antifasciste est internationale » ; « Pour la démocratie et la justice sociale : faire front contre l’extrême droite » ; « Ripostons au fascisme, au racisme et à la guerre », autant de mots d’ordre qui rythment les prises de parole et les pancartes.

« On est là pour affirmer qu’on ne baissera pas les bras. Qu’on continuera à lutter contre le fascisme, d’autant plus lorsqu’il se renforce comme aujourd’hui », déclare un militant à l’occasion d’une table ronde.

C’est entre chamboule-tout politiciens, stands militants et baraques à crêpes que plusieurs milliers d’activistes se sont retrouvés ce samedi dans une ambiance festive et musicale.

« Ce village antifasciste, c’est la possibilité de montrer qu’en face de la mobilisation d’extrême droite qui a lieu tous les ans, il y a une unité entre les différents militants de tous bords pour se rassembler dans un endroit convivial. Le but est de montrer que nous existons encore et que nous sommes un rempart au fascisme », explique Manès Nadel, président de l’USL (Union Syndicale Lycéenne). 

Un village qui a bien failli ne pas exister

Pourtant, cette atmosphère n’était pas garantie. Jeudi 8 mai, la préfecture de police a en effet interdit trois événements distincts : le village place du Panthéon, une marche néonazie et une manifestation antifasciste. Saisie en urgence, la justice administrative a partiellement annulé cette décision en autorisant la tenue du village et de la manifestation néonazie, tout en confirmant l’interdiction du cortège antifasciste, initialement prévu au même moment.

Dissolution de la Jeune Garde ou comment l’État s’attaque à la lutte contre le fascisme

La Jeune Garde, organisation de lutte et de défense antifasciste, se voit aujourd’hui visée par une intention de dissolution aux côtés du collectif Urgence Palestine (leurs portes-parole seront Au Poste mercredi matin). À l’instar des Soulèvements de la Terre l’année dernière, ces volontés politiques de museler le combat militant s’inscrivent dans un contexte répressif qui inquiète syndicats et collectifs. Pour le mouvement Action Justice Climat, c’est limpide: « Ces décisions montrent qu’à tout moment, une autre organisation telle que la nôtre peut être touchée. C’est pour cette raison qu’il est important de lutter tous ensemble ».

« La volonté de nous dissoudre est exclusivement basée sur notre lutte contre l’extrême droite […] Ça révèle un mouvement de répression qui subsiste depuis que l’État français raciste et colonial existe. Nous, on voit ça comme une volonté de nous retirer notre dignité antifasciste. »
Collectif La Jeune Garde Antifasciste Paris.

Qu’est-ce qu’une lutte sans la Jeune Garde ?

Plus qu’une simple organisation militante, le mouvement de la Jeune Garde s’inscrit dans une démarche de protection des mouvements sociaux.

« Une lutte sans la Jeune Garde, ça implique moins de service d’ordre et moins de protection des manifestations. C’est donc un bout de ça qui disparaît. […] C’est également un outil de sensibilisation sur l’extrême droite ainsi que sur son aspect groupusculaire violent qui prendrait fin. Si on n’est pas là, notre classe sociale avancera un peu plus à l’aveugle, moins protégée contre les agressions », explique le collectif.

Même si la dissolution plane sur le groupe, le futur ne se fera pas sans organisation antifasciste, affirment-ils. « On se retrouve beaucoup dans l’action, on rassemble des gens de sensibilités différentes pour s’organiser contre l’extrême droite. […] Cependant, on peut observer que de plus en plus, pour le capitalisme, le fascisme est une option. À nous de réussir à le décrypter. »

Une unité militante indispensable à la lutte

Fédératrice des mouvances de gauche, l’assemblée réunie hier fut une illustration qu’ensemble, réunis, la résistance est possible.

« Le combat contre le fascisme est au carrefour de toutes les luttes de la gauche sociale, associative et politique. Ceux que nous combattons sont nuisibles pour les personnes racisées, LGBT, pour le climat, pour les femmes. »
 Manès Nadel, USL

« Il faut savoir mettre ses  aprioris et ses différences de côté pour lutter contre le fascisme », poursuit le lycéen. « Si l’extrême droite arrive au pouvoir, nous (les collectifs de gauche [ndlr]) serons dissous. »

Perturbations

Malgré une ambiance plutôt calme, la tension est montée aux abords du village suite à l’incursion d’un militant d’extrême droite venu provoquer le public en début d’après-midi. Echanges houleux, irruption de la police : un manifestant antifasciste est violemment molesté par les hommes du Préfet.

« Un facho est venu foutre la merde, on a essayé de le sortir mais la police est arrivée et a frappé au sol un camarade. Il a fini torse nu », affirme un témoin.

Une manifestation néofasciste autorisée à Paris

Tout comme le rassemblement place du Panthéon, le comité du 9 mai (C9M), groupe néofasciste d’ultra-droite, a donc bel et bien eu le droit de battre le pavé parisien sur le rythme de tambours siglés des flammes des Jeunesses Hitlériennes et des habituels slogans de haine.

« Mon dieu. Et ils ont le droit ? » s’interroge, choquée, une mère avec son fils.

« On est en France, qu’est-ce que vous voulez », lui répond un passant, le regard grave.

Conglomérat de toute l’extrême droite européenne, c’est  cagoulés et arborant fièrement des croix celtiques qu’ont défilé plusieurs centaines de nostalgiques des années 30. Plusieurs militants antifa ont bravé l’interdit de manifester et n’ont pas eu peur d’affirmer leur colère et leur dégoût face à ce tableau glaçant. Rejoints par des passants, ils ont scandé « Paris, Paris Antifa » avant d’être refoulés par les forces de l’ordre de Bruno Retailleau.

Quel futur pour les luttes ?

Les mobilisations antifascistes de samedi furent également l’occasion de réfléchir à la résistance de demain. Pourquoi et comment se mobiliser ? Quels choix doivent être faits dans le contexte actuel ? Plus que tout, ce fut un appel à un rassemblement des gauches autour d’une seule et même idée : pour une lutte collective et unie contre l’extrême droite.

« Le futur des luttes ? Je le vois au tribunal », nous répond en riant une représentante d’Action Justice Climat. « Plus sérieusement, on est là aujourd’hui pour prendre de la place dans la rue et montrer qu’il y a du monde, que plein de gens se sentent concernés même si on ne s’en rend peut-être pas compte. Dans la vraie vie, nous sommes nombreux à nous battre. »

« Aujourd’hui on a besoin d’unité sur des bases solides. Il n’y a que les syndicats, les associations et les partis politiques qui sont en capacité de faire ça. Donc quoi qu’il en soit, quand la température montera, il faudra être au rendez-vous pour faire converger ces différentes questions », ajoute Manès Nadel.

Pour Laure*, militante dans la protection des MNA (mineurs non accompagnés ne possédant pas la nationalité française), la solution semble reposer dans l’espoir :« Les mots de ceux qui ont lutté par le passé m’aident à garder foi en la résistance. Pourquoi certaines personnes ont-elles dit non à l’occupation allemande en France ? Pourquoi étaient-elles prêtes à se sacrifier ? La réponse repose dans la croyance en un monde meilleur. Sans ça, se mettre en lutte semble beaucoup plus compliqué. C’est donc cet espoir qui doit nous donner aujourd’hui la force de nous engager, de lutter et de militer. »

Photos et texte : Félix Jeanniard

*Les prénoms ont été modifiés 

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