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« La Flûte enchantée », Mozart à la fête foraine

9 mai 2025 à 06:05
Mathieu Bauer met en scène La Flûte enchantée de Mozart

Photo Laurent Guizard

Mathieu Bauer signe sa deuxième mise en scène lyrique avec une transposition réjouissante de La Flûte enchantée de Mozart donnée à l’Opéra de Rennes, puis en tournée à Nantes et Angers.

Chacune des lettres qui composent le titre de l’ultime opéra de Mozart, Die Zauberflöte, prenant la forme d’une demi-lune accrocheuse, clignote et scintille sur la roue géante érigée en fond de scène. Devant, posé sur un plateau qui tourne à l’huile de coude comme un carrousel d’antan, le décor d’une fête foraine affiche des couleurs aussi sucrées qu’acidulées. Ce cadre original et délicieusement croqué se teinte à la fois d’effervescence joyeuse et de douce mélancolie. Il grise et fait chavirer les personnages mozartiens, jeunes amoureux transis à la découverte d’eux-mêmes, ou prêtres sortis de leur temple sacré. Au milieu d’attractions aussi typiques et pittoresques qu’un train fantôme et un chamboule-tout, les trois dames d’honneur paraissent en drôles de pin-ups dans une vitrine de manège, et les trois enfants en gavroches lunaires munis de ballons à fils gonflés à l’hélium. Pour triompher des épreuves initiatiques du feu et de l’eau, Tamino et Pamina s’engouffrent dans la bouche béante d’une immense tête de mort aux narines fumantes et aux yeux rouges exorbités. Mais la gaieté et la gourmandise l’emportent autour d’une baraque, qui n’est pas à frites, mais plutôt à bonbons et confiseries, où Sarastro n’est pas en reste pour préparer les pommes d’amour.

De La Flûte enchantée, Mathieu Bauer propose une transposition réussie qui renoue avec l’essence éminemment populaire et divertissante de l’œuvre. Sa mise en scène célèbre aussi cette part d’enfance, de naïveté, qui lui est nécessairement liée. Et si sa portée métaphysique n’est pas vraiment la plus exploitée, peu importe, d’autres versions plus intellectualisantes s’en sont déjà chargées, et rares sont les représentations de La Flûte à rassembler toutes ses dimensions aussi riches que fécondes. Le spectacle présenté ici est souriant et vivifiant, à l’image du duo Mann und Weib allègrement chanté par ses interprètes sur des balançoires. Il multiplie les trouvailles simples et amusantes, comme celle de faire apparaître l’attribut magique qu’est la flûte, un simple pipeau en plastique, en la pêchant à la ligne dans la fosse.

Fosse dans laquelle le chef Nicolas Ellis conduit l’Orchestre National de Bretagne – dont il vient de prendre la direction musicale – avec une fraîcheur pêchue et juvénile qui l’emporte sur quelques défauts de netteté. Aux côtés du Chœur de chambre Mélisme(s), de jeunes chanteurs tiennent dans l’ensemble remarquablement leurs rôles. On peut regretter un Tamino à l’émission un peu raide et doté de moyens solides, mais un tantinet forcés. À ce Prince légèrement policé, campé par Maximilian Mayer, s’oppose le Papageno gouleyant et absolument déchaîné de Damien Pass. De l’oiseleur, l’artiste fait un séducteur échevelé, et brûle les planches avec un naturel et une assurance aussi bien dans le jeu que dans le chant, jusqu’à l’accomplissement d’un numéro de music-hall final plein d’humour et de complicité avec la Papagena d’Amandine Ammirati, piquante de sensualité. Elsa Benoit est une Pamina émouvante, qui fait particulièrement admirer la beauté de sa voix et de son style dans son air Ach, ich fühl’s. Lila Dufy, qui remplace pour quelques dates Florie Valiquette, annoncée souffrante, se pare d’une voix souple et légère, et d’un costume de western rétro, pour incarner une Reine de la Nuit anti-paroxystique, sans excès de démonstration, et finement musicale. Les forces de la Nuit s’évanouissent devant le triomphant Sarastro de Nathanaël Tavernier, dont le grave ample est aussi lumineux que son costume jaune constellé, digne du parfait bonimenteur de foire qu’il est.

Christophe Candoni – www.sceneweb.fr

La Flûte enchantée
de Mozart
Direction musicale Nicolas Ellis
Mise en scène Mathieu Bauer
Avec Maximilian Mayer, Elsa Benoit, Damien Pass, Amandine Ammirati, Nathanaël Tavernier, Benoît Rameau, Florie Valiquette en alternance avec Lila Dufy, Élodie Hache, Pauline Sikirdji, Laura Jarrell, Thomas Coisnon, Paco Garcia, l’Orchestre National de Bretagne, le Chœur de chambre Mélisme(s) (direction Gildas Pungier), la Maîtrise de Bretagne (direction Maud Hamon-Loisance)
Scénographie et costumes Chantal de la Coste-Messelière
Lumières William Lambert
Vidéo Florent Fouquet
Assistant mise en scène Gregory Voillemet
Assistante préparation Anne Soissons
Fabrication des décors et costumes Ateliers de l’Opéra de Rennes

Coproduction Opéra de Rennes, Angers Nantes Opéra
Avec le soutien de la Fondation Orange

Durée : 3h15 (entracte compris)

Opéra de Rennes
du 7 au 15 mai 2025

Théâtre Graslin, Nantes
du 24 mai au 1er juin

Grand Théâtre, Angers
les 16 et 18 juin

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